Dalit Lives Matter : Les grands oubliés des mouvements protestataires se révoltent

Dalit Lives Matter : Les grands oubliés des mouvements protestataires se révoltent

15 minutes. C’est le temps que vous allez perdre à regarder la dernière vidéo de votre youtubeur préféré. Pendant ce temps, en Inde, toutes les 15 minutes, une personne de la caste supérieure commet un crime contre un Dalit. (source : NCRV : National Crime Records Bureau). Plus encore, chaque jour, six femmes Dalits sont violées. Les Dalits, ce sont les personnes issues de castes inférieures, considérées et traitées comme «intouchables» en Inde. Si la constitution indienne interdit la discrimination fondée sur la caste, la réalité est tout autre. Alors que le mouvement Black Lives Matter secoue le monde entier, quid du Dalit lives Matter dont personne ne parle ?

Un jeune homme de 25 ans battu à mort par la police parce qu’il ne portait pas de masque, une femme retirée du bucher funéraire permettant la réincarnation de l’âme par les castes supérieures,… la liste des atrocités commises contre des Dalits - et souvent laissées impunies - est longue. Une liste qui n’a cessé de s’allonger au cours de la pandémie du coronavirus. Selon le mouvement national des Dalits pour la justice ( NDMJ-NCDHR ), les violences de caste dans le seul Tamil Nadu ont presque quintuplé pendant le confinement. Ces chiffres sont pourtant sous-estimés selon de nombreux experts. Et les préjugés de la police en sont pour quelque chose : Un rapport de 2019 de l’association Common Cause montre que 50% des policiers estiment que les crimes signalés contre les Dalits peuvent être faux ou exagérés.

Entre l’oppression systématique de castes et l’apathie de la police envers les « intouchables », difficile de ne pas trouver des points de similitudes avec le racisme qui sévit aux États-Unis. Pour les Dalits, la lutte contre la subordination sociale des Afro-Américains résonne depuis longtemps. Le #Dalitlivesmatter, comme son homologue américain le #Blacklivesmatter, a été créé en 2014. Mais si ce dernier est devenu viral en quelques jours, la version indienne n’est jamais arrivée dans nos feeds twitter. Quand le meurtre brutal de George Floyd par un policier blanc à Minneapolis a fait la une de tous les journaux, rares sont les médias qui ont parlé de l’oppression de castes en Inde.  Au pays du safran, le silence est d’or lorsqu’il s’agit de dénoncer les injustices locales. Peu importe le nombre d’indiens des castes supérieures qui soutiennent le mouvement Black Lives  Matter, moins de la moitié d’entre eux élèveraient la voix contre l’oppression des Dalits.

En 1972, les Dalits Panthers ont été fondées, inspirées par l’activisme social du Black Panther Party.

 

Pourtant, dimanche 04 octobre, l’Inde s’est réveillée et a brisé les chaînes du silence. Les intouchables se sont mobilisés à New Delhi après la mort d’une jeune femme Dalit. L’adolescente de 19 ans avait été violée par quatre hommes de son village, en Uttar Pradesh. Son seul crime ? Être née Dalit. Le corps avait été incinéré à la va-vite sans l’accord de la famille, et les suspects, membres de la même caste que le gouverneur de l’Etat, n’ont pas été inquiétés.

Écrit en lettres capitales blanches sur des centaines de pancartes dans les rues de la capitale, le slogan « Dalit lives matter » ressemblait à un cri de rage. Un cri de rage contre la violence safranée en Inde, contre l’oppression, l’humiliation et le viol de ces anciens intouchables situés hors du système des castes. Un cri de rage contre le silence et l’inaction d’une grande partie de la population indienne. 

Horrifiée par le viol et le meurtre de cette jeune fille, la communauté internationale s’est jointe à ce mouvement. Une pétition a été lancée pour lutter contre les atrocités qui sévissent en Inde contre les Dalits. Approuvée par 1800 signataires, la déclaration réclame la fin de la répression contre les journalistes et la condamnation des hommes et de la police qui ont commis des crimes de caste. Dans  une intervention vidéo à ce sujet, la philosophe et militante politique Angela Y. Davis souligne : « la nécessité de forger une solidarité internationale significative en cette période de tollé mondial contre les structures de la suprématie blanche et du patriarcat casteist-brahmanical ». Si l’incident en Uttar Pradesh n’a pas été oublié comme les autres cas de violence tolérée par l’Etat contre les Dalits, ce n’est que le premier pas d’un long combat. Comme l’évoque le visionnaire Dalit, le Dr Bhim Rao Ambedkar, « la réforme sociale sera difficile, mais pas impossible ». Aujourd’hui, l’Inde est à la croisée des chemins.

Salomé Ferraris, L3 LISS

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