Le 29 octobre 2017, le leader Kurde Massoud Barzani annonçait à la télévision irakienne son retrait de la vie politique, seulement un mois après un référendum quasi unanime en faveur de l’indépendance du Kurdistan. Cet événement peu médiatisé comparé à son incidence géopolitique, relance un sujet qui secoue le Moyen-Orient depuis près d’un siècle: la question Kurde.
D’emblée, les revendications d’indépendance du Kurdistan apparaissent au début du XXe siècle, et sont la conséquence d’enjeux ethniques, politiques et géographiques bien plus anciens. Tout d’abord, le Kurdistan, qui s’étend du Nord-Ouest de la Syrie au Nord-Ouest de l’Iran, ainsi que du Sud-Est de la Turquie au Nord-Est de l’Irak, recouvre quatre pays dont seulement deux lui reconnaissent officiellement une région appelée Kurdistan: l’Irak et l’Iran. Depuis l’Antiquité jusqu’à nos jours, la région Kurde, sous influence byzantine et musulmane, n’a jamais été considérée comme un État indépendant.
Ce n’est donc qu’après la Première Guerre mondiale que la question Kurde revêt une dimension indépendantiste. En effet, le Traité de Sèvres prévoit d’abord en 1920 la création d’un État Kurde. Néanmoins, cet engament est révisé trois ans plus tard par le Traité de Lausanne, qui ne prend pas en compte le droit des Kurdes à disposer de leurs terres compte tenu des réserves d’or bleu et d’or noir qu’elles recèlent. Outre le manque de reconnaissance, les Kurdes subissent depuis les années 1930 de multiples violences: raids aériens, bombardements chimiques, répression par les armes. Des révoltes Kurdes éclatent, sans pour autant aboutir à une indépendance officielle.
Depuis le début des années 2010, les combattants Kurdes (peshmergas) profitent de conflits intraétatiques comme la guerre civile syrienne, mais aussi de la lutte contre l’État Islamique, pour prendre le contrôle de vastes territoires. De plus, les Kurdes sont certes majoritaires dans la région du Kurdistan, néanmoins ils cohabitent avec d’autres peuples, qui appartiennent quant à eux à des minorités diverses. En ce sens, le Kurdistan est en réalité parsemé, avec des îlots de peuplements Kurdes répartis dans une dizaine de pays, rendant plus complexe la définition de frontières et la formation d’un seul et même État. Ainsi, ces éléments portent atteinte à la légitimité de leurs revendications. L’Iran, l’Irak et la Turquie ont donc entrepris en mars 2017 un embargo terrestre et aérien sur la région du Kurdistan, et ont repris aux peshmergas la ville stratégique de Kirkouk le 16 octobre, alors que les Kurdes luttaient déjà sur un premier front contre L’État islamique.
Le 25 septembre 2017, lors d’un référendum d’autodétermination, la population Kurde votait à 93% l’indépendance du Kurdistan. Le vice-président et ex-Premier ministre irakien Nouri Al-Maliki, déclarait à ce sujet le 17 septembre 2017: «Nous ne permettrons pas la création d’un deuxième Israël au Nord de l’Irak». En ce sens, la Cour Suprême d’Irak s’est fermement opposée à ce référendum, et a décrété sa suspension le 18 septembre dernier. Le Conseil de Sécurité de l’ONU s’est lui aussi prononcé contre ce référendum, le 21 septembre 2017. Selon l’ex-leader Massoud Barzani, «Il est profondément regrettable que personne, en dehors du Kurdistan, ne se soit manifesté pour soutenir le droit des Kurdes à l’autodétermination».
Heureusement, la question Kurde n’est pas complètement relayée au second plan par le reste du monde. Le lundi 6 novembre 2017 par exemple, des personnalités françaises dont la maire de Paris Anne Hidalgo et l’écrivain Bernard Henri-Lévy, se sont exprimées sur la question Kurde dans une tribune du Monde.