RECONCILIER L’ECOLOGIE, LA DEMOCRATIE ET L’ACTIVITE : EN FINIR AVEC LES GRANDS ENSEMBLES

RECONCILIER L’ECOLOGIE, LA DEMOCRATIE ET L’ACTIVITE : EN FINIR AVEC LES GRANDS ENSEMBLES

« Les grandes entreprises freinent l’innovation », nous confiait le dirigeant d’une start-up spécialisée dans le développement durable lors d’une interview le mois dernier. Il argumentait sur le fait que, dans les grandes entreprises, la taille des structures les rend beaucoup plus rigides au changement. Ainsi, si les innovations seraient d’une part freinées par les directions, les employés seraient d’autre part incités à ne pas révéler leurs innovations personnelles par des chaînes hiérarchiques rompues à leurs propres méthodes. Cet entrepreneur appelait ardemment à la dynamisation du tissu des petites entreprises, véritables pourvoyeuses d’innovations et beaucoup plus flexibles aux changements. Au rayon des arguments économiques standards (donc quantitatifs), il est également important de préciser que les grandes entreprises emploient relativement moins de force de travail qu’elles ne captent de chiffre d’affaire : en d’autres mots un tissu de petite structure occupe beaucoup plus de monde.

On peut ajouter que l’échelle d’une PME donne beaucoup plus de poids à chaque partie prenante dans la destinée de l’entreprise, et les incite d’autant plus à « donner le meilleur d’elles-mêmes », ce qui répond au désir-maître de tout chef d’entreprise capitaliste. En revanche, la transition nécessaire de l’activité depuis une « concurrence généralisée condamnant chacun à accroître ses parts de marché ou mourir » vers « un tissu dynamique de petites structures axées sur l’amélioration qualitative de la vie dans sa région d’activité, et n’échangeant que leurs excédents» est, elle, d’un genre nouveau. Imaginez que l’implantation des entreprises soit majoritairement locale et que leur échelle moyenne soit de petites unités : il faudrait démultiplier les emplois pour assurer partout ce qu’aujourd’hui des multinationales font avec peu de gens et avec beaucoup de gaspillage de ressources, d’innovations, et parfois de dignité humaine. Avec le bouleversement historique que représente Internet en termes de diffusion à faible coût de l’information et des technologies, il est possible d’imaginer un monde coopératif et démocratique, définissant rationnellement ses besoins à l’échelle locale et ouvert sur les autres cultures.

Ces chefs de grandes entreprises, notamment par l’intermédiaire de leur lobby politique baptisé « MEDEF », ne cessent de tonner contre les distorsions sur le marché produites par les interventions d’un autre poids lourd de la société des grands ensembles : l’Etat. Bien que l’aile extrême de ces critiques s’apparente bien plus à une vision théorique et bourgeoise de l’économie, détachée des impératifs matériels et symboliques, elles ne s’en prennent pas moins à l’adversaire traditionnel de la liberté : l’Etat Central. Cet Etat Central au rôle prédominant dans l’écrasante majorité des pays du globe, acteur principal du déni fondamental de la démocratie que représente l’élection, et par ailleurs conquérant, aujourd’hui comme hier. Le « Leviathan » de Hobbes a le mérite de tenir la distance, et nul ne peut nier que la base de toute société moderne est la mise en commun d’une partie de l’argent personnel (par cotisations ou par impôts versés à l’Etat). Mais voilà : il s’agirait de sacrément secouer les sociétés modernes pour en faire émerger l’extrémité d’un début d’incarnation de démocratie, c’est-à-dire que la politique soit menée par le peuple, ce qui n’est envisageable qu’en déléguant la majorité des pouvoirs de l’Etat Central à des assemblée locales. En d’autres mots, la démocratie n’est possible qu’avec la transformation radicale de ce qu’est un Etat contemporain, en passant d’une incarnation totale de la Nation et de la pratique de ses pouvoirs à un rôle qui peut varier selon les visions (Etat contrôleur de la corruption locale, Etat restreint aux rôles régaliens, Etat restreint au rôle diplomatique…). Il semble par ailleurs important de préciser que la disparition stricto sensu des Etats ne se produira pas et ne doit pas se produire. Nous n’avons pas traversé les millénaires en semant tant de sang pour revenir au point de départ des micro-sociétés indépendantes, et ainsi adversaires.

Il y a donc peut-être une solution pour que la volonté des Hommes de participer et de s’investir personnellement dans des activités productives et commerciales renoue avec la pratique démocratique et les enjeux éthiques et écologiques du 21ème siècle : casser les Grands Ensembles. Dégonfler la richesse des multinationales et des grandes institutions financières, dégonfler les pouvoirs des Etats Centraux, revenir à une gestion responsable de la production et des ressources, axée sur les besoins réels de l’Homme, et lui rendre le pouvoir de forger son avenir. Nous avons déjà réalisé en Occident un objectif essentiel vers la réalisation de cette quête : tout le monde ou presque sait lire et écrire, et les langues locales étant éradiquées constamment et depuis longtemps, les Etat-Nations ont des langues unifiées pour la plupart. Il nous faut porter et soutenir les solutions politiques proposant les relocalisations, la voie démocratique réelle. Voilà qui devrait accessoirement permettre aux Irakiens de passer plus de dix ans de suite sans que leur ciel soit assombri par les missiles occidentaux.

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