Le football, nouvelle lubie de l’Empire du milieu

Le football, nouvelle lubie de l’Empire du milieu

Si je vous disais que la coupe du Monde de foot de 2030 pourrait se dérouler en Chine, quelle serait votre réaction ? Certainement la même que si, il y a 20 ans de cela, je vous avais demandé si le transfert de pépites du football mondial vers l’Empire du milieu était imaginable. Pourtant, cela s’affirme aujourd’hui comme une réalité incontestable, quoique surprenante de prime abord : la Chine devient un pays qui compte dans le monde du football professionnel.

Le football en Chine, une affaire d’état

L’organisation des Jeux olympiques de Pékin l’avait laissé présager : l’affirmation de la Chine comme superpuissance mondiale passe par l’organisation de grands évènements sportifs et les résultats de ses athlètes nationaux. Même s’il est culturellement impopulaire, le football n’a pas échappé à la dynamique et a vu l’importance qui lui était accordée se décupler depuis une vingtaine d’années. À l’instar de l’académie d’Evergrande, située à 100 kilomètres au nord de Canton, de grands centres de formation, financés pour la plupart par l’argent public, ont ouvert leurs portes aux quatre coins du pays. Plus grande académie du monde, celle-ci accueille près de 2800 apprentis footballeurs rêvant de devenir le futur ballon d’or. Fruit d’un accord passé entre la fédération chinoise de football, le club de Guangzhou Evergrande et le prestigieux club du Real de Madrid en Espagne, elle illustre parfaitement le modèle : proposer un échange gagnant-gagnant aux éventuels investisseurs étrangers pour favoriser le développement du football chinois.

Néanmoins, rationalité et pragmatisme du gouvernement chinois obligent, cet intérêt nouveau n’est pas dépourvu d’arrière-pensées. Si tant d’efforts sont consentis c’est parce que  les dirigeants y trouvent un double intérêt. De renommée internationale d’abord, par la médiatisation de son équipe nationale au moment des grands tournois de ce sport qui demeure le plus populaire à travers le monde. Économique ensuite, car l’organisation de grandes compétitions sur son sol est certes coûteux, mais source de tourisme, d’emplois et d’investissements étrangers.

Il apparaît donc tout sauf surprenant que la Chine se soit d’ores et déjà positionnée comme candidate à l’organisation de la Coupe du monde de football, à l’horizon de l’été 2030. L’objectif affiché du président Xi Jinping est ambitieux : voir l’équipe nationale remporter son premier trophée majeur, en l’occurrence la Coupe du monde, sur son sol en 2030 !

Reste à savoir si cette ambition n’est pas démesurée en si peu de temps, d’autant plus lorsque l’on regarde le classement FIFA où la Chine occupe actuellement le 83ème rang mondial, derrière des pays comme le Curaçao, l’Ouzbékistan, ou l’Ouganda.

Une Chinese Super League de plus en plus attrayante

Les efforts de la Chine et son ouverture sur le monde du ballon rond ne se font pas qu’au niveau international. Pour l’enraciner dans la culture des habitants, le gouvernement a choisi de développer le championnat national, la Chinese Super League (CSL), à coup de transferts faramineux et de noms prestigieux. C’est ainsi que depuis 2010, des noms aussi familiers que ceux d’Anelka, Drogba, ou encore de l’entraîneur brésilien Luis Felipe Scolari, ont rejoint le pays à la conquête de nouveaux horizons (et de nombreuses liasses de billets). Plus récemment, le record du plus gros transfert en direction de la CSL a été battu, avec l’arrivée de l’attaquant brésilien Hulk au club du Shanghai SIPG en échange de la somme de 55 millions d’euros et d’un salaire net de plus de 20 millions d’euros par an ! Face à la toute récente force de frappe économique et financière dont disposent les clubs chinois, beaucoup de clubs européens, références en matière de football, sont obligés de s’incliner face à leurs néo-concurrents asiatiques.

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La star du football argentin Sergio Aguero (Manchester City) entouré de Xi Jinping et David Cameron

Un développement diversifié

Quel pourrait être alors le dernier élément qui ferait de la Chine une véritable « terre de football » ? L’engouement populaire semble être la réponse. Les quotas de joueurs étrangers par équipe bien trop faibles limitent le glamour des affiches, laissant de trop nombreux stades vides de supporters.

Au fil des ans, la CSL comble son retard vis-à-vis des grands championnats mondiaux, au point d’avoir quasiment rattrapé notre bonne vieille Ligue 1, en terme d’affluence moyenne sur la saison. Enfin, on remarquera que l’entrée de l’Empire du milieu dans le monde du football ne se limite pas, comme dans beaucoup d’autres domaines, à ses frontières. Depuis la fin des années 2000, de nombreux clubs européens prestigieux sont passés sous pavillon chinois avec dans l’ensemble, une certaine réussite mais surtout un projet sur le long terme. Outre l’implication directe dans le monde du football, des entreprises nationales se sont distinguées ces dernières semaines, par le biais du rachat des droits de retransmission TV du championnat anglais, pour près de 600 millions d’euros.

Le football en Chine fait donc l’objet d’un engouement nouveau, appuyé par une puissance financière ayant peu d’équivalents dans le monde. À une vitesse incroyable, la Chinese Super League et la Fédération Chinoise de Football comblent leur retard, trop souvent vécu comme une véritable humiliation. On voit mal alors ce qui empêcherait le pays – comme dans de nombreux autres sports dans lesquels il a décidé de s’investir – d’arriver rapidement à un niveau international correct, voire plus, dans les décennies à venir. Néanmoins, comme en attestent les récents résultats internationaux de l’équipe de la Grande Muraille, qui reste sur 6 matchs sans victoire, le foot n’est pas qu’une simple question d’argent, mais est surtout un savant mélange de passion, de culture, et de persévérance.

Comme dit le proverbe chinois, « la plus grande des vertus est bien sûr la patience ».

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