Du secret de la confession au tabou et à l’omerta

Du secret de la confession au tabou et à l’omerta

Un “séisme” pour les uns. Un “scandale” pour les autres. Le Rapport Sauvé, paru en octobre dernier, a fait couler beaucoup d’encre. Publié par la Commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Eglise (CIASE) et commandé par la Conférence des évêques de France (CEF), il révèle l’ampleur des crimes pédophiles au sein de l’institution. Ceux-ci sont largement imputables à la loi du silence qui règne et, plus particulièrement, au secret de la confession. Ce dernier est déclaré “inviolable” par le droit canon, sous peine d’excommunication. Ces polémiques illustrent bien l’ambivalence du secret qui peut tout autant fonder une confiance nécessaire, qu’entretenir des tabous malsains. 

Le secret : garant de l’ordre public ?

Avocats, médecins, prêtres. Tous ont en commun d’être soumis à un secret quasi sacré et visant avant tout à crédibiliser leur fonction. Le patient doit pouvoir se confier sans crainte à son médecin, l’accusé à son avocat et, si l’on en croit la Bible, le fidèle à son confesseur. 

C’est ce constat qui a poussé des acteurs politiques et juridiques à reconnaître les secrets professionnels et sacramentels comme indispensables. On cite souvent l’avocat Emile Garçon qui défend fermement cette position et affirme qu’ “il importe à l’ordre social” que “le silence soit imposé” aux confidents nécessaires.

Le secret auquel oblige la loi de l’État ou de l’Église semble ainsi permettre de fonder une confiance entre les acteurs du monde social. L’article 226-13 du Code Pénal punit sa violation d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende. Ce texte concerne les médecins, les juges d’instruction et les avocats. Mais, on oublie souvent qu’il inclut aussi les prêtres en mentionnant les personnes dépositaires d’un secret « par état ». 

Quand la levée du secret s’impose

Si les médecins et les avocats sont, en général, tenus au secret, la loi les oblige dans certains cas à le lever. Les professionnels de santé doivent dénoncer les crimes ou les mauvais traitements sur les personnes vulnérables, même si cela implique la violation du secret médical. 

Des exceptions existent aussi pour les prêtres. Ils dépendent en théorie du droit pénal exigeant la levée du secret dans certaines situations (assistance à personne en danger, empêchement d’un crime, …). Mais le droit canon ne prévoit quant à lui aucune exception. Aux yeux de l’Église, le viol du secret de la confession reste inadmissible. Y compris s’il s’agit de dénoncer des actes pédophiles. 

Ce positionnement du droit canon est sous le feu des critiques depuis la publication du Rapport Sauvé. Il présente l’Église comme le deuxième lieu, après le cercle familial, où les violences sur mineurs seraient les plus fréquentes. 

Le “sceau sacramentel» semble donc être autant une source de confiance, que de tabous.  L’inviolabilité du secret impose la loi du silence à l’institution quand il est question de pédophilie. C’est ce qu’illustrent les nombreuses polémiques à ce sujet. 

« Rien de plus fort que les lois de la République »

“Rien de plus fort que les lois de la République”. C’est ce qu’affirmait Gabriel Attal, porte-parole du gouvernement, en réaction au rapport Sauvé. Pas anodine, cette sortie médiatique répondait aux déclarations polémiques faites un jour plus tôt par Éric de Moulins-Beaufort, président de la CEF. Celui-ci avait, dans un premier temps, défendu la primauté de la loi divine sur le droit commun. 

Aujourd’hui, le gouvernement,  la CIASE, et même la Conférence des évêques de France semblent arrivés aux mêmes conclusions. la CEF a reconnu la « responsabilité institutionnelle » de l’Église le 5 novembre dernier. Pour des raisons tant légales que morales, le « sceau sacramentel » ne peut donc être inviolable sans faire rimer secret et tabou. Il revient désormais à l’Église de le prendre en compte, afin d’éviter aux prêtres de choisir entre la transparence imposée par le droit pénal, et l’omerta du droit canon.

By La Plume, Dauphine

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