Mars One : ce que les médias ont oublié de dire

Mars One : ce que les médias ont oublié de dire

Mars One est un projet un peu fou lancé par Bas Lansdorp, un ingénieur néerlandais, qu’il décrit lui-même comme « l’un des évènements les plus importants de l’histoire de l’Homme ». L’idée semble sortir d’un livre de science-fiction : installer une colonie humaine sur la planète Mars. Le jeune entrepreneur pense même faire partir les élus aux alentours de 2024. C’est pour bientôt. Des « élus » car l’une des caractéristiques de ce projet n’est pas d’envoyer des astronautes de profession mais bien des citoyens du monde aux ambitions spatiales. 200 000 personnes ont répondu à l’appel à candidature venant de 140 pays différents. Il y a peu, le nombre a été réduit à 1 058 et devra atteindre 24 à la dernière étape de sélection. C’est ce qu’on a pu lire pendant ces vacances de Noël.

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Trois questions restent pourtant essentielles pour bien comprendre ce projet. Tout d’abord, le financement. On n’envoie pas 24 personnes sur Mars avec un salaire d’ingénieur. Bas Lansdorp a créé, parallèlement à la fondation Mars One, une entreprise privé du nom de Interplanetary Media Group. Pourquoi ? Très simplement, Mars One sert d’affiche en mettant en avant son caractère non lucratif et en apparaissant dans les médias, de façon à récolter des fonds, alors que Interplanetary Media Group « vend » le projet. La majeure partie du financement viendra donc de partenariats avec d’autres entreprises, du sponsoring et de la vente des droits de diffusions du projet. Tout cela est indiqué dans la section What is the Mars One business model ? du site internet dédié. Une fondation à but non lucratif avec un « business model », logique. La mention « vente des droits de diffusions » est également très intéressante. Le désir de Bas Lansdorp est de créer un « reality show » dans l’espace, un nouveau programme de télé-réalité dans lequel le public pourra suivre la préparation et la sélection des derniers candidats et même y participer en ayant le privilège de choisir qui ira coloniser Mars parmi ceux encore en lice. Devant nos écrans, on suivra les petits groupes formés pour un voyage de 7 mois avant l’atterrissage et puis enfin l’installation et la vie dans la colonie. Le projet parait tout de suite un peu moins scientifique, on est loin de la volonté de créer une nouvelle société sur une autre planète pour répondre aux problèmes terrestres.

La deuxième question qu’il faut se poser est la faisabilité du projet. Le premier voyage avec les 4 premiers colons doit coûter 6 milliards de dollars. Chaque voyage coûterait ensuite 4 milliards. Compte tenu de la technologie requise pour une telle aventure, cela peut sembler dérisoire. La mission est confrontée à de vrais défis techniques. Pour donner quelques exemples, il n’existe pour le moment pas de moyen viable pour faire atterrir une navette de plusieurs tonnes sur Mars. C’est déjà un problème, on en conviendra. On ne pourra évidemment pas déplacer les navettes une fois au sol. La production d’oxygène et de nourriture reste également une contrainte. De la même manière, les colons sont aussi soumis à des conditions particulières. Après un voyage de 7 mois, le retour à la gravité les affectera grandement sur le plan physique pendant plusieurs semaines. Le voyage en lui-même est presque inimaginable au regard du temps de trajet et de l’espace qu’offrira la navette à ses occupants. De plus, ils seront exposés à un niveau de radiation notable sur l’ensemble du trajet. Á cela s’ajoute la gravité propre à Mars et ses conséquences jamais mesurées sur l’organisme. Rien de très réjouissant.

Enfin, un dernier point est à éclaircir, comment un projet de ce type peut-il voir le jour légalement ? On ne pourrait pas faire ici une analyse complète de cette question mais certains éléments peuvent déjà être considérés. Le projet Mars One doit être rattaché à un pays pour voir le jour suivant la Déclaration de 1962 sur l’exploration et l’exploitation de l’espace, la Hollande semble en être la terre d’accueil. Cependant, aucun droit d’appropriation ne peut être donné sur un corps céleste ou une partie de celui-ci et toute exploitation devra se faire au bénéfice de l’humanité entière. De cette façon, aucune entreprise privée ne peut tirer bénéfice, en théorie, de la colonisation d’une planète. En théorie donc, Interplanetary Media Group n’a aucun droit d’exploitation sur ce qui se fera sur Mars. En outre, tout équipement ou matériel sur Mars est supposé appartenir à l’ensemble des États, quelque soit la source de financement. Pour finir sur le caractère juridique, l’Accord sur le sauvetage des astronautes de 1968 impose aux États de venir au secours de toute personne dans le besoin dans l’espace, ce qui en principe viendrait contre une des conditions très médiatisées imposées aux colons par Mars One, le voyage vers la planète rouge est sans retour.

Mars One semble alors beaucoup moins sexy et beaucoup plus inatteignable que ce que certains journaux ont bien voulu nous faire croire. Beaucoup de chose reste à faire pour que ce projet voit le jour mais l’idée de la colonisation d’une autre planète n’est pas non plus à exclure totalement. Un tel projet, même si son aboutissement est incertain, aura de réels effets positifs en termes d’avancée technologique. Quoiqu’il en soit, il faudra attendre encore un peu avant de pouvoir suivre les aventures de Nabilla sur Mars. Patience.

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