Ghibli en 3D : révolution ou aberration ?

Ghibli en 3D : révolution ou aberration ?

Six ans après son dernier long-métrage, Les Souvenirs de Marnie, le Studio Ghibli revient en 2021 avec Aya et la sorcière (originellement prévu pour le festival de Cannes). Surprise ! non seulement celui-ci ne sera pas réalisé par Hayao Miyazaki, mais par son fils, Goro Miyazaki, mais en plus, pour la première fois de l’histoire des longs-métrages Ghibli, il sera en animation 3D ! Fin décembre, internet s’enflamme : on a osé toucher à l’animation traditionnelle feel-good, et nombre d’internautes ne semblent pas prêts à le pardonner. 

Goro Miyazaki, dans l’ombre de son père 

Goro Miyazaki est l’un des deux fils du grand réalisateur Hayao Miyazaki, et son successeur potentiel à la tête du studio. Toutefois, ses débuts n’ont pas été faciles. Il a longtemps été “réticent” (selon son père) à suivre la voie que ce dernier lui avait tracée. Estimant au lycée qu’il ne pourrait jamais atteindre le niveau de son père, il décide de faire des études en paysagisme, même s’il finit par diriger le musée Ghibli entre 2001 et 2005, et à travailler en tant qu’assistant en animation. En parallèle, Yoshifumi Kondo, grand espoir du studio (il est à l’origine de Kiki la Petite Sorcière et le Tombeau des Lucioles) et amené à succéder à Isao Takahata et à Hayao Miyazaki à la direction dudit studio, meurt en 1998, à l’âge de 47 ans. En 2006, tandis que Goro n’est qu’assistant, le producteur Toshio Suzuki encourage celui-ci à diriger le film Les Contes de Terremer, bien que Hayao estime que son fils soit loin d’être prêt et manque grandement d’expérience. Le film finira par être un échec, et Miyazaki père sortira déçu de la salle de cinéma, estimant que son fils “n’est pas encore un adulte”. Cinq ans plus tard, Goro lui prouvera sa détermination en tant que directeur d’animation avec La Colline aux coquelicots, grand succès auprès des fans. Il se lance ensuite dans l’animation 3D avec la série Ronya, fille de brigand en 2014. Ayant apprécié ce style, il travaille avec une jeune équipe sur l’histoire d’Aya la sorcière, contrastant fortement avec son père, dont le prochain (et peut-être dernier) film Comment vivez-vous ? est entièrement dessiné à la main, et nécessite un mois de travail par minute de film. Une opposition entre père et fils, entre nouveauté et tradition.  

 

Dans une suite d’innovations 

L’animation en 3D est un concept relativement neuf. Elle apparaît sous le feu des projecteurs avec Toy Story en 1995, et est maintenant utilisée fréquemment, seule ou accompagnant l’animation 2D, dans la production de films d’animation. Si le style est parfois critiqué, donnant aux images, selon les téléspectateurs, un air « plastique » et détaché de la réalité, les histoires racontées ne manquent pas d’émouvoir et battent des records. Ainsi, le studio Pixar a remporté 19 Oscars et 4 Golden Globes, tandis que le film La Reine des Neiges 2 a atteint le Top 10 des plus gros succès du box-office mondial de tous les temps. Alors que l’animation 3D est devenue la nouvelle norme, les fans du studio Ghibli et de l’animation japonaise restent attachés au style d’animation traditionnel et semi-traditionnel, jugé plus chaleureux, accueillant, et émouvant. Si le studio n’a pas hésité à innover, avec par exemple des graphismes extrêmement simplistes dans Mes voisins les Yamada, de nouvelles techniques de synchronisation voix-image et de jeux de style avec Souvenirs goutte à goutte, il n’a jamais osé toucher aux mains des artistes.  

 

L’animation, ce n’est pas que le dessin  

Le remake du Roi Lion sorti en 2018 fut un échec commercial malgré une animation photoréaliste, tandis que l’original fait partie des plus gros succès au box-office de tous les temps. Le style d’animation est en réalité un outil parmi d’autres, tels que le storyboard, le scénario, le doublage, la recherche contextuelle, etc. vers le succès ou l’échec d’une animation.  

Pour son nouveau film d’animation, Goro a choisi un style 3D peu souple, ressemblant à du stop-motion. A lui de nous prouver la justesse de son choix. Qui sait ? Peut-être se fera-t-il enfin accepter par son père.

Ieva Dijkmans, L3 Gestion

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