Les dictateurs : objets de fascination des médias

Les dictateurs : objets de fascination des médias

Quel est le point commun entre Hitler, Staline, Obama, Marc Zuckerberg et le Pape François ? Ils ont tous été élus « Person of the Year » par le Time Magazine. Là où des chercheurs de renom et des célébrités ont leur place évidente, on a du mal à comprendre comment deux dictateurs ont pu apparaître dans cette liste. Et pourtant, les vilains du monde réel et leurs méthodes ont toujours fasciné les médias et les intellectuels du monde entier. Comment expliquer cet attrait ? C’est ce que nous allons voir ici. 

Eluard et Aragon : le culte de Staline

Tu as sûrement déjà étudié leurs poèmes au lycée, mais savais-tu que Paul Eluard et Louis Aragon ont à un moment chanté les louanges du tyran soviétique ? Tous deux ont été des membres très impliqués du PCF (Parti Communiste Français) dans les années 1950, période où celui-ci était le premier parti de France, après avoir été interdit pendant l’Occupation.

Pendant la Seconde Guerre mondiale, les deux auteurs s’étaient joints au mouvement résistant, rejetant en bloc l’idéologie nazie. Nommés « Poètes de la Résistance » et célébrant dans leurs écrits amour, action politique et liberté, leur attachement à Staline paraît étonnant, lui dont les agissements ne répondaient pas à ces valeurs. 

Cependant, cela ne veut pas dire qu’Eluard et Aragon étaient dénués de conscience. Les deux auteurs ne se sont pas sentis « staliniens » vis-à-vis des atrocités commises par celui-ci. Leur attachement vient de l’illusion qu’ils ont eue, en tant que fervents socialistes, que Staline avait réussi à créer une société sans classe ni exploitation, au service de tous. Le PCF a d’ailleurs progressivement pris ses distances avec le modèle soviétique à mesure que les horreurs du régime stalinien ont été révélées. 

Hitler ou la personnification du mal

Il figure dans tous les livres d’histoire, a fait trembler des générations entières et continue encore aujourd’hui d’incarner l’horreur absolue. La fascination autour de la personnalité d’Adolf Hitler ne s’est jamais tarie, et cela pour plusieurs raisons.

Ce qui différencie Hitler de Staline, Mao Zedong ou Fidel Castro, c’est la préméditation complète de ses atrocités. Chaque étape d’extermination a été méticuleusement préparée, comme par une machine, animée par une haine profonde. La psychologie d’Adolf Hitler a intéressé le monde entier et avait même été étudiée par le Bureau des services stratégiques américain (qui deviendra la CIA en 1945) pour essayer d’anticiper le comportement du dictateur nazi. Le professeur de psychologie d’Harvard Henry Murray, chargé de cette étude, a conclu en 1943 qu’« aucun traitement humain ou pitié n’est à attendre de sa part ». 

Dans un article paru en 2019, le journaliste Jeffrey Kluger du Time Magazine a expliqué pourquoi le dictateur avait été élu « Personnalité de l’année » en 1938. Il rappelle que ce titre revient aux personnalités les plus influentes, mais qu’il n’est pas dit que cette influence doit être positive. Hitler n’a pas reçu ce titre par honneur, mais parce que son action a mis le monde à genoux. 

Jeffrey Kluger montre aussi qu’à la parution du journal, Hitler a reçu un traitement singulier : à la place de l’habituel portrait venant illustrer la Une, celle parue le 2 Janvier 1939 montre une caricature du tyran, jouant à l’orgue avec inscrit en bas « Par l’organiste impie, un hymne de haine » (From the unholy organist, a hymn of hate). 

Et aujourd’hui ? 

Saddam Hussein, Kadhafi, Pol Pot, Mussolini, ou Kim Jong-Il auraient pu être cités à la place de Staline ou d’Hitler, ayant également suscité un fort intérêt médiatique. Le devoir de mémoire, notamment grâce au relai des médias et des réflexions des intellectuels, permet que le passé ne se reproduise pas. 

Néanmoins, il reste toujours des dictateurs aujourd’hui, qui ne génèrent pourtant pas une frénésie de la part des médias. C’est le cas des tortures infligées aux musulmans Ouïghour en Chine par l’actuel gouvernement de Xi Jinping, dont le traitement par les médias s’est avéré tardif. La République Démocratique du Congo est également en train de connaître le quatrième génocide de son histoire, à la grande indifférence de nombreux médias. Les exemples similaires sont nombreux. 

Que manque-t-il à ces évènements pour qu’ils ne soient pas diffusés en masse ? De l’horreur ? Sûrement pas. Un côté spectaculaire porté par une personnalité hors norme ? Peut-être. C’est ce manque de « charisme » et de surnaturel qui expliquerait cette absence de fascination et donc, de visibilité médiatique. 

Léna Stern, L2 LSO 

 

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