Avocats du diable : la défense de l’indéfendable pose-t-elle un problème d’éthique ?

Avocats du diable : la défense de l’indéfendable pose-t-elle un problème d’éthique ?

Eric Dupond-Moretti, Jacques Vergès, Franck Berton, Sven Mary… autant de grands noms parmi les ténors du barreau qui ont accepté au cours de leur carrière de défendre terroristes et autres délinquants moralement réprimables. Malgré le caractère à la fois universel et fondamental des droits de la défense, se lancer dans un combat acharné pour faire acquitter ceux que la société condamne unanimement peut se révéler une tâche ardue.

L’opinion publique impulsivement sévère vis-à-vis de la défense des crimes les plus graves

De l’attentat contre Charlie Hebdo et l’Hyper Casher à l’assassinat de l’enseignant Samuel Paty le 16 octobre dernier, la montée en puissance de la menace terroriste en France est allée de pair avec un questionnement sur la punition réservée aux terroristes. 

Alors que le procès des attentats de janvier 2015 s’est ouvert il y a deux mois, les 200 parties civiles et proches des victimes espèrent beaucoup de la justice. France Info recueillait les propos de la compagne du dessinateur Tignous, Chloé Verlhac : « Je suis là pour comprendre l’incompréhensible, j’ai besoin de comprendre pourquoi »

Dans ce contexte, l’opinion publique ne peut qu’être critique vis-à-vis de tout ce qui pourrait excuser les actes terroristes ou les meurtres en série, critiques qui se dirigent tout naturellement vers la défense des détenus. 

Toutefois, loin d’être boudée par les avocats, cette défense est au contraire assurée par les plus connus. L’avocat et député RN Gilbert Collard déclarait au micro de Tv5monde en 2013 : « Quand Jacques Vergès défendait le nazi Klaus Barbie, j’étais du côté des parties civiles. J’étais du bon côté, il était du mauvais ». Beaucoup se demandent alors : quelles raisons pourraient bien motiver de grands avocats pénalistes à s’adonner à cette tâche ?

Le droit à l’assistance d’un avocat, liberté fondamentale consacrée par le droit positif 

Le « tribunal médiatique » de l’opinion publique est une chose, la réalité d’un jugement effectif en est une autre. Sources de droit formelles comme jurisprudentielles élèvent les droits de la défense au rang de liberté fondamentale dont chacun peut se prévaloir : article 6§1 de la Convention européenne des droits de l’Homme de 1950, article 10 de la Déclaration universelle des droits de l’Homme de 1948, entre autres, mais également une décision du conseil constitutionnel du 2 décembre 1976 qui compte les droits de la défense parmi les principes majeurs à valeur constitutionnelle (PFRLR). 

Dès lors, chacun a droit à ce que sa cause soit entendue dans un délai raisonnable par un tribunal indépendant et impartial, en étant conseillé et défendu par un avocat. La nécessité pour tous les criminels d’avoir quelqu’un pour les défendre prime donc sur l’instinct primitif de vouloir les voir incarcérés d’office. C’est d’ailleurs souhaitable d’un point de vue juridique, même pour les individus dont les mœurs sont des plus douteuses.

Une défense réservée à quelques élus

Mais alors, qu’en est-il des raisons concrètes justifiant la volonté de certains avocats à assurer cette défense souvent polémique ? En réalité, il faut souligner que tous ne sont pas en mesure de le faire. Tout d’abord, elle est prohibée pour les représentants de grandes institutions ou multinationales qui craignent une atteinte potentielle à leur réputation. Ensuite, il existe une contrainte financière. En effet, ceux qui sont inculpés ne sont pour la plupart pas en mesure de payer les honoraires astronomiques des plus grands pénalistes. Ces derniers doivent donc se contenter de l’aide juridictionnelle proposée. Il est alors aisé de comprendre pourquoi la plupart des avocats ne peuvent pas se permettre cette défense, souvent assimilable à du pro bono. 

À l’inverse, Dupond Moretti, avocat d’Abdelkader Merah et de « la boulangère » de l’affaire d’Outreau, le pouvait puisqu’il a déclaré le mois dernier avoir gagné 70 000 euros net mensuels au titre de ses honoraires d’avocat. Enfin, prestige et publicité médiatique entrent également en ligne de compte. Pour ce qui est de la conscience de l’avocat, elle n’appartient bien évidemment qu’à lui…

 

Hanna Kim, L3 DGP

 

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