« Au moins, on ne paie pas 300 000$ pour faire nos études ! »
C’est souvent l’argument phare lorsque l’on compare les systèmes universitaires français et américain. Oui, mais pour combien de temps ? Avec l’augmentation continue des frais de scolarité des écoles de commerce, d’ingénieur ou encore d’universités publiques telles que Dauphine, le système français du tout-gratuit semble être mis en péril.
Des tarifs en hausse
16 640€, c’est ce que coûte aujourd’hui une année à HEC pour les non-boursiers issus de prépa, contre 10 300€ en 2008. 19 850€ pour ceux issus de concours parallèles. Les tarifs des écoles de commerce ont presque doublé en 10 ans, avec à titre d’exemples +95% pour l’ESCP, +92% pour Audencia ou encore +89% pour l’EM Lyon.
Mis en place à Dauphine depuis 2016 grâce à son statut de Grand établissement, les droits modulés portent les frais d’inscription de 0€ à 6 500€ en Master pour les plus hauts revenus et les étudiants étrangers.
Les étudiants en PACES, quant à eux, dépensent en moyenne 5 000€ pour suivre une prépa privée et augmenter leurs chances de réussite. Les écoles d’ingénieur sont aussi concernées, puisque la fusion de Centrale et Supélec s’est accompagnée d’un relèvement des droits de scolarité à 3 500€, tandis que les tarifs du groupe Mines Télécom ont doublé en 2014.
Quel est le coût réel d’un étudiant ?
Avec un taux d’imposition générale de 44,2% en 2011, la France est l’un des pays les plus lourds fiscalement. En échange, l’Etat finance, en outre, le système universitaire, qui autorise 80% d’une tranche d’âge à poursuivre des études post-bac quasiment indispensables à l’obtention d’un travail. Il permet ainsi d’étudier de façon gratuite ou presque : 184€ pour la licence et 256€ pour le master, gratuit pour les boursiers qui représentent 38% du corps étudiant.
Les frais administratifs payés par les étudiants sont en réalité très éloignés du coût de revient pour l’Etat, qui s’élève à 13 000€ par étudiant et par année. Les droits d’inscription constituent de ce fait à peine 2 % des ressources des universités françaises.
Mais voilà, les écoles privées (ou publiques) aux droits de scolarité élevés se multiplient. Il faut désormais compter en moyenne 11 000€ pour une année en business school post-bac et 7 000€ pour une école d’ingénieur post-bac. La Cour des comptes dénonce une hausse anarchique des droits d’inscription dans les écoles d’ingénieur, même si elle s’inscrit dans une logique de développement de ressources propres, alors que les subventions publiques stagnent.
« Les droits d’inscription constituent à peine 2 % des ressources des universités françaises. »
Certaines universités, à l’image de Dauphine et Science Po, ont choisi l’introduction de droits modulés. « Cette politique produit un effet d’éviction et se traduit par une sur-représentation des boursiers et des classes supérieures au détriment des classes moyennes », déplore en février 2019, Philippe Rousselot, conseiller maître à la Cour de Comptes. Ce sont en effet les classes moyennes qui en pâtissent le plus, puisqu’elles doivent à présent débourser plusieurs milliers d’euros, parfois à crédit… qu’elles auraient économisé il y a 5 ans.
Quelles sont les raisons de ces hausses ?
Tout d’abord, les universités subissent des baisses de subventions. A l’origine, les Grandes Écoles de management étaient des services des chambres de commerce et d’industrie (CCI) ayant pour rôle de former des cadres aptes à occuper des postes de direction. Depuis des années, ces écoles font face au désengagement croissant des chambres de commerce, qui étaient jusqu’à peu l’un des principaux pourvoyeurs de fonds des écoles. D’ici 2021, les trois « Parisiennes » verront leurs dotations passer de 30 millions d’euros à… 0.
Ensuite, il s’agit de faire face à la concurrence internationale. Pour briller dans les classements mondiaux, il faut en faire toujours plus : recherche, publications, infrastructures…
Qu’en est-il chez nos voisins ?
En Europe, il existe de grandes disparités dans les montants des frais d’inscription et des bourses. L’Allemagne, par exemple, accorde des bourses sur critères sociaux jusqu’à 8 820€ et 12 000€ pour les bourses au mérite, tandis que les frais de scolarité sont gratuits.
À l’opposé, au Royaume-Uni, les frais peuvent facilement s’élever à plus de 10 000€. Les écoles les plus prisées avoisinent presque les 40 000€, ce qui se rapproche des sommes déboursées par les Américains ou Canadiens, où une année peut coûter entre 30 000€ et 80 000€, selon si l’université est privée ou publique.
Finalement, il s’agit de remettre les choses en perspective. L’idée vous a-t-elle déjà effleuré d’arrêter vos études après votre licence pour vous lancer dans la vie professionnelle ? De ne pas poursuivre en Master ? Pourtant, partout ailleurs, la grande majorité des étudiants commence à travailler dès la licence en poche. Seule la France oblige à poursuivre en Master pour espérer gagner un peu plus que le SMIC… Faire un master est devenu la norme. Pour le meilleur… ou pour le pire ?
Elisa Aidan, M1 Finance