Encarté

Encarté

Adhérer à un parti politique est le signe de convictions. Adhérer à un second parti peut être le fait d’une prise de conscience, d’un gain en maturité à l’origine d’une mutation de l’engagement après quelques expériences personnelles. Mais adhérer à un troisième parti ? « Quelle girouette politique ! », penserons-nous aussitôt.

Et que dire de celui qui a sa carte dans dix partis, simultanément, sinon que le malheureux souffre d’une véritable schizophrénie citoyenne ?

Pourtant, Achraf Ben Brahim l’a fait. Etudiant en droit et science politique à Nanterre, ayant grandi à Sevran (au cœur du 93) et en attente de naturalisation, il décide en 2012 d’adhérer aux dix partis* représentés à l’élection présidentielle. Son témoignage parait : Encarté ! Mon immersion dans les partis politiques, aux éditions Lemieux.

De l’espoir au désespoir militant

Tout part d’un constat. En 2012, au sortir des présidentielles et législatives, Achraf ne connait rien au système politique français. Il ne sait comment est votée une loi, quelle est la répartition des pouvoirs au sein de l’Union Européenne, ou encore l’impact des politiques économiques.

Comme la plupart des jeunes de son âge, il est capable de réciter sans hésiter la liste des onze joueurs titulaires pour le dernier match de l’équipe de France ainsi que le poste associé à chaque joueur sur le terrain. En revanche, il serait bien incapable de nommer ne serait-ce que cinq ministres en exercice.

Mais qui peut affirmer avoir connaissance des décisions votées par son député à l’Assemblée Nationale ?

Face au désengagement citoyen - très net si l’on s’en tient à l’abstention croissante – et face aux désillusions des français ainsi que leur défiance vis-à-vis du politique suite à de nombreuses affaires obscures (Bygmalion, Cahuzac, Thévenoud, pour ne citer qu’elles), Achraf Ben Brahim décide de s’engager.

Toutefois, son engagement ne prend pas la forme d’une adhésion ordinaire. Puisqu’il ne souhaite réduire son champ d’action, Achraf multiplie les adhésions. D’une part, il s’agit pour lui de découvrir le fonctionnement de ces différentes organisations politiques. D’autre part, de trouver celle qui s’approche le plus de ses convictions.

Et il ne faudrait pas croire que ces adhésions coïncident à un engagement superficiel, car le militant se montre très actif au sein de ces organisations. Il distribue des tracts contre l’Europe au petit-déjeuner ; défile, un peu plus tard, avec le NPA ; manifeste contre le mariage pour tous aux côtés du FN, dans l’après midi ; puis achève sa journée en assistant à une conférence de François Fillon.

Après une année sur le terrain, Achraf nous présente un témoignage édifiant voire effrayant sur le fonctionnement des partis politiques français.

Le FN se montre particulièrement efficace pour accueillir les déçus de « l’UMPS », sur fond de xénophobie. Chez les Républicains (UMP), où les militants sont traités comme des vaches à lait, règne une forme de communautarisme social malsain, avec un net mépris pour le peuple français. Plus loin, le PS agonise, incapable d’écouter ses militants et de contester les actions gouvernementales. Enfin, le Modem est « un parti fantôme » tandis que, pour les six autres partis, ce n’est pas bien mieux, voire bien pire.

« Politisez-vous »

Entre anecdotes amusantes (comme cette « formation » au porte-à-porte avec Patrick Balkany, ou encore le surnom qui lui est donné au FN : «  cochonophobe », en raison de son appartenance religieuse) et autres plus désespérantes, l’expérience d’Achraf n’invite pas vraiment à l’optimisme. Toutefois, celui-ci n’hésite pas à conclure sur une note enthousiaste en forme d’injonction : « Politisez-vous », voilà le message de son oeuvre.

Certes, les français sont pris pour des idiots. Mais, ayant délaissé le champ politique et les devoirs élémentaires de la vie citoyenne (vote et implication), ils semblent en être les premiers responsables. Pour en finir avec les scandales, les polémiques, la démagogie et le populisme, notre salut ne pourra se passer de l’action citoyenne. Sans elle, la politique et les politiciens demeureront attachés à l’image mauvaise qui leur est associée : politiques, tous pourris. Si Achraf Ben Brahim y est parvenu, tout le monde peut le faire ! Alors politisons-nous.

Morris Habbouba

*Parti Socialiste (PS), Union pour un Mouvement Populaire (UMP), Front National (FN), Mouvement Démocrate (Modem), Europe Ecologie Les Verts (EELV), Debout La République (DLR), Parti de Gauche (PG), Nouveau Parti Anticapitaliste (NPA), Lutte Ouvrière (LO), Solidarité & Progrès.

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