On entend souvent parler des “vagues de populisme” qui traversent l’Europe, voire le monde entier, et qui le mettent en péril. Si le dictionnaire Le Robert définit le populisme comme “discours politique s’adressant aux classes populaires, fondé sur la critique du système et de ses représentants”, il y a urgence à décentrer le regard pour comprendre les causes du soutien populiste.
42%. C’est la proportion de citoyens des Etats-Unis qui se déclarent favorables à une élection de Donald Trump en novembre prochain, d’après l’institut de sondage Gallup. C’est déjà 1% de plus que son très probable adversaire, Joe Bien. D’aucuns prédisent un retour du magnat de l’immobilier au bureau ovale, ce qui signifierait un retour du populisme à la tête des Etats-Unis. La France n’est pas en reste : en mars, les sondages portaient la liste menée par Jordan Bardella aux élections européennes à 30% d’intentions de vote. C’est bien loin devant la liste de Valérie Hayer, candidate de Renaissance. “Le populisme, c’est le combat des petits contre les grands”, établit le sociologue Jean-François Bayart, “c’est les élites contre les perdants de la mondialisation”. Ce phénomène n’est pas nouveau : son précurseur en Europe serait Silvio Berlusconi, fondateur du parti populiste-conservateur Forza Italia qui a remporté les élections législatives italiennes en 1994. De Recep Tayyip Erdoğan en Turquie à Javier Milei en Argentine, en passant par Viktor Orban en Hongrie, les dirigeants populistes surfent sur une belle vague, et elle ne semble pas prête de s’écraser.
Pourquoi une telle déferlante ?
Misogynie assumée, langage familier voire vulgaire, déni climatique, repli sur soi, rejet de l’immigration… Tous ces termes semblent désigner des idées à repousser de toute urgence. Enfin, pour la plupart d’entre nous, étudiants à Paris-Dauphine, probablement l’université française la plus symbolique du fameux “système” élitiste néo-libéral dénoncé par les populistes. Parce qu’en réalité, ces discours et comportements sont perçus de manière plutôt favorable par une large partie de la population mondiale. Alors, avant de crier haro sur les électeurs du RN ou de Donald Trump, essayons plutôt de comprendre leur colère et leurs motivations. Dans son autobiographie intitulée Hillbilly Elegy, le sénateur pro-Trump J. D. Vance nous offre quelques explications en racontant son enfance. Originaire d’une petite ville de l’Ohio victime de la désindustrialisation des années 80, il a pu observer le déclin de son environnement qui a entraîné son entourage dans la précarité, le décrochage scolaire et la drogue. Vance nous livre son point de vue : celui des classes populaires blanches paupérisées du centre des Etats-Unis, qui se sont senties abandonnées et méprisées par les classes dirigeantes, et notamment les démocrates. Qu’on adhère ou pas à ses vues politiques, son discours semble légitime : ces “perdants de la mondialisation” ressentent une colère sourde due à un abandon des dirigeants. Ce sont ces classes qui ont voté massivement pour Trump en 2016, en 2020 et sont prêtes à le refaire cette année.
Comment briser la vague ?
L’analyse de J. D. Vance aux Etats-Unis peut plus ou moins se décliner pour les autres populismes du monde : de larges parties de la population ne se reconnaissent pas dans les élites dirigeantes et se sentent incomprises. Pour l’historien Pierre Rosanvallon, la France traverse une “crise démocratique” qui s’est matérialisée avec le mouvements Gilets Jaunes, les manifestations contre la réforme de retraites, ou encore les nombreux 49.3 utilisés par le gouvernement. “Pour les citoyens, le défaut de démocratie signifie ne pas être écouté, voir des décisions prises sans consultation (…) un monde politique vivre en vase clos” , explique-t-il. Pour de nombreux experts, le système démocratique actuel est à bout de souffle : c’est lui qui porte les populismes aussi haut.
Alors, la prochaine fois que vous aurez envie de juger les électeurs du RN, de Trump ou d’Erdoğan, essayez de vous mettre à leur place pour comprendre ce qu’il faudrait remettre en question dans le système actuel. Diaboliser le populisme, c’est alimenter la vague. Le comprendre (sans le soutenir !), c’est le premier pas pour la briser.