La régulation du contenu sur Internet : Big Brother 2.0 ?

La régulation du contenu sur Internet : Big Brother 2.0 ?

Suite à l’acte terroriste contre Samuel Paty, Éric Sadin, philosophe et écrivain, publie une tribune dans Le Monde (1) dans laquelle il souligne l’urgence de la mise en place d’une « charte de civilité » sur les réseaux sociaux. Dans ce contexte récent de la libération pleine et illimitée de la parole sur ce nouvel empire qu’est devenu Internet, les mouvements d’incitation à la haine et à la violence se multiplient à grande vitesse, et pour cause : le manque de régulation pousse vers une véritable anarchie numérique et menace la démocratie. 

Les gouvernements : responsables légitimes de la régulation du web ?

Le jeune royaume d’Internet permet l’interaction entre les acteurs des pays qui y ont accès. Un gouvernement contrôlant indépendamment ce qui y circule semblerait absurde : il est difficilement concevable que la France puisse censurer le contenu étranger parvenu jusqu’à un internaute français. Il est impossible de définir une part d’Internet qui dépendrait de l’administration française uniquement. Le web n’a pas d’autorité universelle, et les activités qui s’y déroulent ne sont contraintes par aucune législation internationale. Il ne revient donc pas aux gouvernements individuels de contrôler séparément son étendue. 

Il est néanmoins difficilement concevable que les gouvernements démocratiques acceptent la menace croissante de la désinformation et de l’incitation à la haine et à la violence qui se répandent sur la toile. En tant que promoteurs draconiens de la liberté d’expression, un dilemme se pose alors : quelles limites peuvent-ils se permettre de poser ? Les nations démocratiques doivent consentir à un effort à échelle internationale pour sensibiliser massivement leurs populations à ces mouvements virtuels néfastes. Cela fait près de 20 ans qu’il est possible de visionner et d’inscrire tout et n’importe quoi sur cette plateforme. Pourtant, aucun dispositif d’apprentissage ou d’éveil n’a encore été mis en place à échelle nationale pour sensibiliser les populations à ce nouvel outil. Il est impératif d’ajouter la maîtrise et l’appréhension de cet outil comme nouvel objectif d’enseignement dans les programmes scolaires. 

Le rôle des plateformes dans la mise en place d’une certaine surveillance

Les entreprises qui dominent cet espace virtuel doivent en revanche être responsabilisées pour améliorer la surveillance de ce qui est diffusé publiquement en leur sein. Elles ont pour devoir moral de retravailler leurs modèles économiques, axés selon Guillaume Chaslot, ex-salarié de Youtube (2), sur l’addiction. Les GAFA, détentrices du monopole d’Internet, axent leurs stratégies sur le nombre de réactions de leurs utilisateurs, les plongeant dans un « enfermement algorithmique » (citer Chaslot (2)). L’emprise de ces entreprises sur les populations dépasse souvent celles des gouvernements ; des modifications dans leurs modes opérationnels et stratégiques doivent être opérées afin d’inciter à la diffusion de contenu correct et non discriminatoire. Une collaboration globale doit être encouragée à la fois par les internautes et les institutions internationales pour parvenir à un accord entre ces entreprises qui préserverait à la fois leur réussite économique et les valeurs démocratiques. 

Quelles que soient les mesures que ces entreprises mettent en place, il importe qu’elles soient applicables universellement. La modification de la loi Avia de juin 2020 par le Conseil constitutionnel (3) rappelle que les opérateurs des plateformes privées ne peuvent pas dicter ce qui est licite ou non. En revanche, ils peuvent et doivent développer les efforts déjà consentis. Twitter, par exemple, publie des mises en garde en dessous de tweets perçus comme faux ou diffamatoires. Sur Instagram, il est possible de signaler un post ou une photo qui déroge aux règles de bonne conduite. Ces initiatives doivent être cultivées en utilisant l’intelligence artificielle pour établir une vérification systématique du contenu diffusé publiquement.

Nous voilà donc face à un combat virtuel, intangible et d’une dangerosité nouvelle. Nous avons aujourd’hui à disposition les outils suffisants pour guider les populations soit vers l’ignorance, soit hors d’elle. Déterminons maintenant, par un effort collectif, comment les mettre à bon usage.

 

NB : Il est question tout au long de cet article de bien, de mal, de caractère illicite et réprimandable. Il semble important de rappeler ces notions sont toutes infiniment relatives ; leurs définitions restent à être posées, dans la mesure du possible. 

Lou Gilbert, L3 MGO

  1. https://www.lemonde.fr/idees/article/2020/11/07/attentat-de-conflans-il-est-urgent-de-mettre-en-place-une-charte-de-civilite-sur-les-reseaux-sociaux_6058855_3232.html
  2. https://www.lepoint.fr/technologie/youtube-confessions-d-un-repenti-29-08-2019-2332248_58.php
  3. https://www.conseil-constitutionnel.fr/decision/2020/2020801DC.htm

 

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