Qui, en train ou en voiture, n’a jamais été absorbé par un alignement d’arbres dans le soleil ? Qui n’a pas été un jour amusé par une toupie en train de tourner ? Qui n’a pas été interloqué par des illusions d’optiques plus folles les unes que les autres ?
L’art est fasciné par le mouvement et, les artistes ont trouvé des moyens pour nous donner l’illusion de celui-ci : le clair-obscur Renaissance, les jeux de formes et de couleurs qui nous font chanter…Mais ces œuvres demeurent immobiles, ainsi, d’autres ont choisi de représenter ce qui bouge réellement. En 1913, Marcel Duchamp fixe une roue de bicyclette à un tabouret et, en la faisant tourner montre que le mouvement peut servir l’artistique. C’est le début de l’art cinétique, cependant, cette expression ne sera employée pour la première fois qu’en 1960 à Zurich. Ce mouvement international est aussi appelé « Nouvelle Tendance » ou « Op Art ». Peu à peu, des groupes d’artistes s’engagent dans le sillage du français Duchamp : le G.R.A.V à Paris, le Groupe Zéro à Dusseldorf, le Groupe Dvizhenie à Moscou,… Leur but : incarner des modes de production collectifs, sortir du circuit officiel de l’art et agir sur n’importe quel visiteur. « Il faut faire participer les gens. Les étonner. L’art, c’est l’étonnement » s’écrit Carlos Cruz-Diez, artiste plasticien vénézuélien.
Arrêtez-vous, déplacez-vous, photographiez, parfois même touchez, l’oeuvre est un peu à vous.
Au cours d’un court séjour - l’histoire de finir les vacances en beauté - à Milan, j’ai piétiné dans le Museo del Novecento (Musée du XX ème siècle) et, au hasard de mes pas, j’ai été surprise par des œuvres attractives et déstabilisantes.
Gros plan sur le Groupe T à Milan
Bien que souvent méconnu, ce véritable laboratoire créatif fût l’un des plus importants groupes d’art cinétique et interactif en Italie et dans le monde. Le Groupe T voit le jour en 1959 : entre balbutiements et début de la période faste de cet art, libéré de la contrainte de l’immobile, tout est imaginable. Pourquoi Groupe T? Parce que les fondateurs Boriani Davide et De Vecchi Gabriele - auxquels s’ajouteront Aneschi Giovanni, Colombo Gianni et Varisco Grazia - souhaitaient faire ici référence au temps - tempo en italien - comme nouvelle variable artistique. En effet, leurs oeuvres loin d’être figées créent un cadre spatio temporel qui leur est propre et, impliquent de ce fait pleinement le visiteur et participant. Les artistes nous troublent. Ils réussissent à faire surgir en nous peur et rire et surtout un grand étonnement. L’observateur est parfois maitre et élément de l’oeuvre en exigeant ou non son activation. « La Nouvelle Tendance » introduit ainsi la technologie à l’art. Les structures lumineuses ou mouvantes (Strutturazione pulsante - Gianni Colombo) s’allument et s’éteignent au gré des envies ou plutôt sur la demande du visiteur manifestée par sa présence devant les multiples détecteurs ou la pression d’une main sur un bouton. A vous de trouver l’astuce. Des structures planes, le collectif passe progressivement, à la création d’environnements bien plus immersifs comme l’Ambiente Stroboscopico n.4 réalisé par Davide Boriani.
De véritables espaces temporaires - démontables - et instables sont mis en place : la perception de l’espace qu’en a le visiteur est modifiée, victime d’illusions, il est désorienté et parfois aliéné.