Mandela est mort, vive Mandela

Mandela est mort, vive Mandela

Hier, dès l’aurore, à l’heure où la savane resplendit de son sable d’or,
Ils t’ont enseveli. Vois-tu, voilà dix jours qu’ils attendaient.
Par la forêt, par les montagnes, au-delà des mers, la nouvelle a fusé.
Ce jeudi, la terre a tremblé, les téléphones ont sonné : « Madiba était mort »

Si loin, si grands, si nombreux, ils ne pouvaient demeurer loin de toi :
« Un géant de l’histoire » dixit Obama, « Une grande lumière » selon Chirac,
Le forgeron d’une « nouvelle Afrique » a préféré le pape François.

Et pour tous : un vide, la perte d’un « héros », d’un « père », d’une « icône ».
Ainsi, se sont achevées, dimanche 15 décembre, les funérailles de Nelson Mandela ; en petit communauté, à Qunu, en toute simplicité.
Tout était à l’image de sa personne, plus qu’à celle de sa destinée. Car, de l’interdiction des mariages mixtes en 1949, de la classification des races en 1950, du « Groupe Areas Act » instaurant des zones d’habitation séparées en 1952, de Sharpeville et sa répression armée entraînant la mort de 79 manifestants noirs en 1960 ; « le triomphe de l’esprit humain, le symbole de la grandeur d’âme née dans l’adversité », comme s’aimait à le considérer Bill Clinton, a tout vu. Du germe à l’abolition de l’Apartheid, la société, sous ses yeux s’est divisée, s’est déchirée.  Etudiant, admirateur des actions du mahatma Gandhi, il rêvait de bouleversements. C’est sans doute la raison pour laquelle il intègre le Congrès national africain (ANC), en 1942. Mais le pacifisme est inefficace. En 1960, Mandela ouvre donc la voie à l’Umkhonto we Sizwe, « le fer de lance de la Nation », aile militaire de l’ANC. Dès lors, commencent les voies de fait : sabotages, espionnages, manœuvres dolosives. Les protestations violentes se multiplient.  Vivant dans la clandestinité, il est arrêté en 1962. Son procès s’ouvre. La condamnation tombe : «haute trahison et tentative de renversement par la force du gouvernement » blanc.

La mort ? Il s’y était préparé. Devant les juges, il osa dire : « J’ai chéri l’idéal d’une société démocratique et libre dans laquelle tous vivraient ensemble, dans l’harmonie, avec d’égales opportunités. C’est un idéal pour lequel je suis prêt à mourir ». Dans sa cellule, il griffonna : « Je veux que tous ici sachent que je vais à la rencontre de mon destin comme un homme. » Mais finalement, c’est à la perpétuité qu’il est condamné. Plusieurs fois, les gouvernements sud-africains tentèrent de négocier : la grâce en échange d’un retrait politique. Le prisonnier refusa. Vingt-sept ans s’écoulèrent, tant l’oublièrent. En 1990, l’intelligence d’un seul raviva l’éclair : Frederik de Klerk. Un président blanc agissant en faveur des Noirs. Tout à coup, la défiance de toute une communauté blanche sud-africaine, les critiques de la sphère politique. Rien n’y a fait : Mandela fut libéré et en 1993 le panache de l’un et la grandeur d’âme de l’autre se virent récompensés par le prix Nobel de la paix.  La suite est connue : Nelson Mandela devient, en 1994, le premier président noir d’Afrique du Sud. Après un seul mandat, il se retire de la vie politique.

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Pour tous, il est l’UNIQUE, le SEUL, le PREMIER qui a lutté contre l’Apartheid, qui a rétabli l’égalité, qui a appelé à la paix.  Sans négliger l’ampleur de son œuvre, il semble toutefois que ces croyances soient erronées : une révolution ne se fait pas seule, elle est encore moins un « événement fortuit » comme l’affirmait Tocqueville. À ce titre, Mandela ne fut pas le seul acteur de l’anti-apartheid. Frederik de Klerk a, incontestablement, joué un rôle déterminant, comme bien d’autres tel que Thabo Mbeki, vice-président auquel Mandela laissa l’entreprise des réformes et changements. En réalité, Mandela est avant tout un symbole : le symbole du changement et de la réconciliation. Érigé en véritable mythe, on oublie souvent que son œuvre reste inachevée. Tandis que la corruption atteint son apogée au sein de l’ANC, les différences sociales perdurent : les Blancs gagnent quatre fois plus que les Noirs selon une étude de l’Institut des relations entre les Races, et 85% des terres agraires restent leur propriété selon la revue Perspectives économiques.
Parallèlement, les mesures de discrimination positives instaurées à l’égard de la population noire se montrent inefficaces, voir contre-productives : la population blanche, pour la majorité diplômée, fuit le territoire « arc-en-ciel » qu’elle n’estime plus assez propice à ses investissements.
Le chômage est d’environ 30%, atteignant 60% chez les jeunes. La croissance nationale en a subi les contrecoups.
Les meurtres et violences envers la population blanche sont de plus en plus fréquents.

De nombreuses incertitudes pèsent donc sur l’avenir économique et social de l’Afrique du Sud. Certains se demandent même si le rêve de Madiba est réalisable.
Il n’en demeure pas moins, qu’en ces jours, le pays perd son emblème. Le monde entier perd un homme.

Triste, le jour pour lui est la nuit.
Il ne regardera ni les inégalités,
Ni les injustices perdurantes,
Et quand chacun arrivera à toi, il mettra sur ta tombe
Un bouquet de respect et des remerciements en pleurs.

Merci d’avoir été là. Bon voyage Mandela.

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