S’évader à 384 400 km en quelques vers

S’évader à 384 400 km en quelques vers

Cette nuit, regardez par la fenêtre. Cherchez la Lune et écrivez ce que vous y voyez. Vous comprendrez alors l’importance de la Lune dans la poésie. 

 

La Lune. 384 400 kilomètres nous séparent d’elle. Elle ne cesse jamais d’inspirer l’humain. Et par-dessus l’humanité, la poésie. Alcott, Baudelaire, Dickinson, Hugo, tant d’autres ont laissé leur plume être guidée par la Lune. S’évader le temps d’un poème. Imaginer ce que cet astre nous transmet. Se laisser bercer par sa lueur, son mystère, sa féminité. 

 

La découverte et la projection

 

La nuit tombe, et quand nos yeux se lèvent, la Lune est là. On ne la voit pas apparaître. Sa soudaineté inspire.

 

“Sinking down by the gate I discern the thin moon” -

The difference, Thomas Hardy, 1916

 

Que faire d’elle ? Qu’y voir ? Premièrement la regarder. Comprendre ce qu’elle est seulement par ce qu’elle dégage. Son gris clair émerveille, ses rayons guident. La découvrir à nouveau chaque soir, sous une différente forme, mais toujours de la même face, comment ne pas se laisser transporter ? Les plumes des écrivrain.e.s, elles, n’y manquent jamais. La Lune est muse et la nuit inspire. Que faire après ? La regarder, l’admirer pour tout ce qu’elle est, n’est pas suffisant. C’est surtout son mystère qui nous fait vibrer. Parce que si elle ne dévoile qu’une seule face, l’humain y a certainement projeté tout son imaginaire. Et la multitude de poèmes sur ce thème le rassemble : symbole féminin, le temps, les eaux, les saisons, la maternité, l’amour, … Chaque poème révèle un nouvel angle, ou en approfondit, détourne, sublime un déjà entrepris. Et cette abondance de projections ne cesse d’attirer le.a poète.étesse., chaque soir à nouveau, vers le ciel.

 

« Et qu’il vente ou qu’il neige

Moi-même, chaque soir,

Que fais-je,

Venant ici m’asseoir ?

Je viens voir à la brune,

Sur le clocher jauni,

La lune » -

Ballade à la Lune, Alfred de Musset, 1829

 

Attraction mise à mal

 

La Lune attire car elle permet l’évasion. Jusque dans les années 1950, aucun humain ne l’avait encore survolée. Toute histoire était alors plausible. Pourquoi en croire une plutôt qu’une autre quand aucune preuve ne peut contredire son imagination ? La poésie s’est accaparé la Lune avant les conquêtes spatiales. L’imagination des humains, l’envie de découverte, grandement alimentées par la poésie, ont permis à la Lune d’être mise à nu par les nouvelles technologies. Enfin, la Lune était à nous. Poètes et poétesses y ont laissé leur encre pour comprendre, analyser, cette tâche. Tâche étrangère et inspirante. L’humain l’a touchée. Les plumes s’arrêtent. Comment s’évader sur un territoire désormais connu ? 

 

“before the first of time, before the
first men tasted time, we thought of you.
You were a wonder to us, unattainable,
a longing past the reach of longing,

a light beyond our light, our lives–perhaps
a meaning to us…

Now

our hands have touched you in your depth of night.” -

Archibald MacLeish for The New York Times, July 21, 1969

 

Projection tenace

 

Porteuse de nouveaux espoirs, nouvelles croyances, elle ne cesse d’émerveiller. Différemment car connue, elle alimente des passions naissantes. À présent, s’évader peut passer, non plus par l’envie de la découvrir, mais par l’envie de l’habiter. La posséder. Celle que l’on connaît reste pourtant si loin. La Lune accompagne les nouveaux désirs humains, souvent, des désirs de possession. Elle qui a toujours été un objet de fascination, se réinvente et demeure enchantée par son incessibilité. La poésie est le fruit de son admiration. Nous contemplons l’astre d’un nouvel angle, moins mystérieux, plus concret, mais toujours aussi étincelant. Peut-être écrirons-nous bientôt des poèmes sur la colonisation lunaire ? Dans tous les cas, la Lune demeure au cœur de l’imaginaire collectif et y reste. Le lecteur y projette ce qu’il souhaite. Chacun s’évade par sa pensée. Lire un poème ne reste qu’un reflet de nos envies. Après tout,

 

« This is the light of the mind » -

The Moon and the Yew Tree, Sylvia Plath, 1963 

Laisser un commentaire

Fermer le menu