Quand l’accès à l’information accélère…
crédit : intelligence artificielle de Canva

Quand l’accès à l’information accélère…

Il suffit d’une notification. “Emmanuel Macron annonce à François Bayrou qu’il ne sera pas Premier Ministre.”, titre un tweet du Parisien. Quelques minutes après, le téléphone émet une nouvelle vibration. Cette fois-ci, c’est l’application France Info : “François Bayrou est nommé premier ministre par Emmanuel Macron après de longues négociations.”. 

Nous sommes aux premières loges de l’Elysée, au courant de tous les rebondissements. Cela semble à des années lumière de l’époque des crieurs publics, époque où il fallait attendre le lendemain pour connaître les nouveautés de la journée, et encore ! 

Les derniers événements politiques ont été une démonstration de l’accélération de l’information : nomination du Premier ministre, des membres du gouvernement… Les chaînes d’information en continu comme les journaux se sont arrachées les spéculations : chaque déclaration avait de fortes chances d’être transformée en article immédiatement après. Tout cela nous semble naturel … mais ce fonctionnement est le fruit d’un long processus historique. 

 

En l’an 2000, “il y aura de l’information partout, partout, partout, partout…” 

 

En 1949, Pierre Lazareff anticipait déjà cette accélération de l’information dans un discours visionnaire. “Nul n’aura le droit d’ignorer quoi que ce soit”, voilà la ligne directrice du discours. Il considérait la télévision comme le futur vecteur de l’accélération de l’info. 

Le patron de presse et fondateur de France soir avait vu juste. En 1994, la première chaîne d’info en continu est lancée : LCI. Et bingo, le traitement de l’information en direct séduit dès la première année. Devant ce succès, iTélé est créé en 1999, puis BFMTV en 2005. Celle-ci pousse la logique du direct encore plus loin : des reporters couvrent systématiquement les événements, même lorsqu’il n’y a rien à raconter. 

 

L’arrivée du Web : un impensé de Pierre Lazareff

 

Le plus gros bouleversement a été apporté par internet. L’information arrive aux journaux par des canaux toujours plus rapides. Les yeux rivés sur les dépêches AFP, les rédactions s’empressent de retransmettre les événements. La rapidité prime, pas la peine de changer les mots de la dépêche ! Les articles sont publiés dans les minutes suivantes sur le web. En un clic tout le monde a accès à l’information.  

La vitesse s’accentue encore et encore avec les réseaux sociaux, à commencer par Facebook en 2004. Ce réseau social se détourne de son usage initial pour devenir un véritable outil d’information. Les utilisateurs reçoivent l’information même lorsqu’ils ne la cherchent pas. Elle est partagée, commentée en continu sur les différentes plateformes, comme sur X ou Instagram. Qui d’entre nous n’a pas appris une information parce qu’elle a été partagée dans la story d’un ami ?

 

Que de bonnes nouvelles non ? La presse et les médias sont considérés comme le “quatrième pouvoir”, le pouvoir qui protège la liberté d’opinion des citoyens face à un organe politique trop extensif. Une information en continu n’est-elle donc pas le signe d’une vitalité démocratique ? 

 

L’optimisme réservé du patron de France soir… 

 

La profusion de l’information en permanence n’est pas pour autant source de diversité : la concurrence entre les médias a plutôt comme conséquence de produire du mimétisme. Dans une logique d’audience, la tendance est à l’uniformisation, pour ne pas louper une info qu’aurait le concurrent. Les choix de sujet sont également orientés selon cette logique. Les médias se tournent vers le traitement des faits divers, dont la dimension émotionnelle attire l’audience.  

Quels effets pour le lecteur ? Des représentations du monde biaisées, non sans conséquence sur le sentiment d’insécurité par exemple. Encore un point sur lequel Pierre Lazareff était visionnaire puisqu’il se demandait si l’information ne serait “mise en œuvre que pour bourrer le crâne au public dans une direction voulue”.

On l’a donc compris : avoir accès en permanence à l’information ne signifie pas être au courant de tout ce qui se passe. A nous maintenant de faire le travail de recherche de l’information si on ne veut pas se laisser emporter par son flux constant !

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