« Cuire, fuir ou agir ». C’est ainsi que les journaux dépeignent le choix face auquel se trouvent la ville de Paris et ses habitants en abordant la problématique du changement climatique. D’ici 2080, le nombre de jours “chauds” et “très chauds” avec des températures maximales au-dessus de 25°C et 30°C va presque doubler pour les uns, quadrupler pour les autres. Paris ne peut attendre.
Toutefois, agir s’avère être une tâche particulièrement compliquée, principalement à cause du phénomène d’îlot de chaleur urbain (ICU). La forte chaleur est maintenue la nuit à cause de l’environnement urbain, où les revêtements des rues et des immeubles emmagasinent la chaleur. Ainsi, Paris est 2,5°C plus chaude que les zones rurales alentour en moyenne, cette différence atteignant les 10°C en période de fortes chaleurs.
Ce phénomène affecte différemment les rues de la ville. Ainsi, les ruelles plus fermées profitent d’un ensoleillement moindre, mais la densité empêche les vents de créer un effet rafraîchissant la nuit venue. A l’inverse, les rues ouvertes comme l’avenue des Champs-Elysées, exposées à l’ensoleillement, accumulent beaucoup plus facilement la chaleur, mais l’évacuent mieux la nuit.
De nombreux autres éléments participent à la vulnérabilité de la ville aux vagues de chaleur. “Cet océan de maisons aux toits bleuâtres, pareils à des flots pressés emplissant l’immense horizon.” (Emile Zola) Loin d’être aussi rafraichissants que la mer, les toits de Paris sont faits d’un métal, le zinc, qui conduit particulièrement bien la chaleur. Notons enfin l’inévitable augmentation de l’utilisation du climatiseur, bénéfique en intérieur, néfaste en extérieur, par son rejet d’air chaud. On estime ainsi que “un déploiement généralisé des systèmes d’air conditionné entraînerait une augmentation de la température de 3°C supplémentaires à l’échelle de Paris lors des vagues de chaleur.”
Mais alors, quelle solutions? Depuis 2007, la ville de Paris fait des “Plans Climat”, destinés à la lutte contre le changement climatique et à l’atténuation de ses conséquences sur la population. Sa version la plus récente, datant de décembre 2023, suit de près le rapport “Paris à 50 degrés”, la première mission d’information et d’évaluation des actions de Paris sur le climat. Ce rapport de 260 pages étudie les risques, les mesures déjà prises (comme les “cours Oasis”, des cours d’école avec des jardins pédagogiques, des espaces verts, des sols perméabilisés, etc.) et donne des préconisations. Parmi celles-ci, les plus “sévères” sont par exemple la création du “délit de nuisance thermique” ou l’isolation systématique des toitures lors de travaux de rénovation. Les préconisations principales s’orientent autour du revêtement urbanistique, de la végétalisation ou de l’optimisation de la ressource en eau, mais également d’actions sociales (gratuité des abris par exemple).
Dans son nouveau Plan Climat 2024-2030, le Conseil de Paris rappelle son objectif d’atteindre 10m² d’espaces verts par habitant en 2040, équivalent à l’ouverture d’environ 300 hectares, mais également la rénovation annuelle de 5000 logements sociaux par an, ou encore l’installation d’unités productrices d’énergie renouvelable dans les bâtiments municipaux. Mais malgré toute sa bonne volonté, le pari de Paris est risqué. Même si la ville réussit à renover tous ses logements sociaux, ceux-ci ne comptent que pour 24% des logements parisiens. Comme le dit Jacques Baudrier, adjoint à la Maire de Paris “Il est nécessaire de rénover entièrement l’ensemble du bâti parisien […], 1,4 million de logements et 21 millions de mètres carrés de bureaux.” Et le bâti privé lui, est à la traîne. En effet, les copropriétés nécessitent de faire voter les rénovations en AG de copropriétés; la ville prévoit d’augmenter les aides afin d’encourager les initiatives.
Paris a été étudiée comme la ville d’Europe où la population est la plus vulnérable face à la chaleur. Mais les partis ne s’accordent pas, et ces mesures sont encore vues comme de “l’écologie punitive”. En attendant, Paris prépare dans l’immédiat les prochains JO, et on craint déjà l’annulation de certains programmes pour cause de canicule. “Fluctuat nec mergitur”, mais pour combien de temps?
La Plume