Croyez-vous qu’un régime autoritaire puisse encore de nos jours prendre racine après toutes les horreurs révélées par la seconde guerre mondiale ? Impossible me direz-vous. « Nous avons appris de nos erreurs » me répondraient d’autres. Seulement, en êtes-vous vraiment certains ? La Vague vous prouvera sans doute le contraire !
Vous vous demandez peut être quel est le lien entre le totalitarisme et une vague… Il s’agit en fait d’une expérience menée à la fin des années 1960 par Ron Jones, un professeur de lycée américain. A l’occasion d’un cours portant sur l’Allemagne nazie, il ne parvient pas à répondre aux élèves se demandant comment la population avait pu laisser agir. Lui vient alors l’idée d’une mise en situation réelle. Sans en avertir les élèves, il crée « la troisième vague ». L’objectif de l’expérience est de montrer que même dans une société démocratique, marquée par les horreurs de la seconde guerre mondiale, un régime autoritaire pourrait très facilement émerger.
En 2008, le film éponyme La Vague (die Welle en allemand) adapte sur grand écran l’expérience. Dans l’œuvre cinématographique de Denis Gansel, l’expérience est menée par un professeur nommé Rainer Wenger, à l’occasion d’une Projektwoche, traduisez : semaine à projet. L’expérience originale tenait elle aussi sur une semaine.
Nombre de dirigeants autoritaires sont arrivés légalement au pouvoir. Dans le film, le professeur entend montrer à ses élèves qu’aujourd’hui encore un homme serait capable de susciter la même adhésion.
Rainer Wenger ne force personne : les élèves voulant suivre un autre projet sont libres de changer de groupe. Premier constat : peu d’élèves suivent ce chemin. Voilà déjà une première forme d’adhésion volontaire…
De manière autoritaire, l’enseignant se positionne en chef incontesté et incontestable. A ceux qui sont séduits par l’idée, il impose les éléments d’une dictature : discipline stricte, slogan scandé sur commande, signe gestuel de ralliement au leader etc…
Tout comme dans le cas des totalitarismes ayant réellement existé, il faut noter que peu de personnes osent aller contre le mouvement : il y a bien deux filles qui perçoivent le danger d’instaurer une dictature, quand bien même elle serait expérimentale et temporaire, au sein de l’école. Leur voix n’aura donc que peu de force pour dissuader les convaincus. Car ces derniers sont nombreux ! Comme quoi, le professeur explique brillamment que le minimum d’autorité conféré à l’individu - dans son cas celle de l’enseignant - peut être aisément catalysée et tournée à l’extrême.
Le film illustre également le fait que des personnes, auparavant marginalisées, parviennent à se trouver une place plus valorisée dans un système dictatorial qui les intègre. C’est le cas du jeune Tim, un ado laissé de côté par ses camarades, qui se forge une place de premier ordre dans cette autocratie éphémère : il s’auto-désigne garde du corps de son enseignant tyrannique.
La Plume ne tient pas ici à vous spoiler l’issue du film. Toutefois, l’expérience montre qu’une dictature, même à ses balbutiements, peut solidement s’ancrer dans les mentalités.
Au troisième jour, la persécution des réfractaires débute, et les adhérents à « la vague » s’en prennent aux élèves qui se refusent à l’expérience, ou dénoncent ceux qui malmènent les règles édictées.
Tout comme dans l’expérience de Ron Jones, la vague échappe au contrôle de son lanceur : comment arrêter le mouvement avant qu’il ne soit trop tard ? Car en ville déjà, le bruit se répand, des élèves vont trop loin et débutent la propagande caractéristique d’un tel régime…
On vous rassure, aucune dictature n’est véritablement née de telles expériences.. Cependant, ces mises en situation illustrent bien que l’autoritarisme peut s’ancrer rapidement et largement. Difficile à entendre… surtout pour les personnes liées aux élèves impliqués, ou encore la hiérarchie professorale, qui craint que d’autres enseignants, avec des intentions beaucoup moins louables que la science, ne tentent l’expérience… C’est sans doute cela qui explique que les autorités américaines n’aient pas tellement souhaité communiquer sur le sujet…
La Plume