JOHN EDGAR HOOVER : UNE VIE AU SERVICE DU SECRET

JOHN EDGAR HOOVER : UNE VIE AU SERVICE DU SECRET

À la tête du renseignement américain durant plus de 48 ans et sous 8 présidents, John Edgar Hoover, l’un des hommes les plus puissants des États-Unis du 20ème siècle est, pour beaucoup, un parfait inconnu. Autant admiré que craint, son parcours incarne la dérive du pouvoir des services secrets au nom du pays qu’il disait servir.

 « Merde alors ! Il avait des dossiers sur tout le monde ». C’est le cri du cœur de Nixon en 1973, découvrant les fichiers non-officiels conservés par Hoover, directeur du FBI de 1924 jusqu’à sa mort. Peut-être le plus bel hommage rendu par l’instigateur du Watergate, à ce fondateur plus que controversé… 

Le FBI, outil de son obsession anticommuniste

Avec la création de la CIA en 1947, le FBI se concentre désormais sur l’espionnage intérieur. Hoover est vite obsédé par le péril communiste et la guerre froide qui débute. L’acquisition par les Soviétiques de l’arme atomique, ou l’affaire des époux Rosenberg sont de parfaits prétextes au développement - sans limites - de sa collecte d’informations.

Une telle boulimie de renseignements obtenus principalement au moyen d’écoutes téléphoniques illégales et prolongés par des méthodes douteuses (infiltrations d’agents, lettres anonymes menaçantes…) finit par déranger au plus haut niveau. En 1948, le Président Truman le vise directement quand il proclame : « Nous ne voulons ni Gestapo, ni police secrète ».

Un redoutable pouvoir de nuisance

Il en faut beaucoup plus pour déstabiliser le directeur du FBI. Le Président le menace ? Il va soutenir secrètement son rival Eisenhower durant la campagne présidentielle… Jusqu’à faire rédiger par ses agents des textes discréditant Truman dans sa lutte contre le communisme. Une fois conforté dans ses prérogatives, il alimente activement la chasse aux sorcières conduite par le sénateur McCarthy, lui livrant des centaines de noms. Charlie Chaplin en faisait partie. Pourtant, lorsque l’imposture et la dangerosité de McCarthy seront reconnues, Hoover s’éloignera de lui, le condamnant définitivement à l’oubli.

À partir de 1956, le chef du FBI va utiliser son programme illégal d’écoutes baptisé COINTELPRO pour lutter contre ses nouvelles cibles : les mouvements des droits civiques et les mouvements radicaux noirs. Là encore, tous les moyens seront utilisés. Provocation d’agents infiltrés, élimination physique d’un responsable des Black Panthers… Martin Luther King recevra une lettre anonyme rédigée par le FBI, accompagnée d’un enregistrement sonore l’accusant d’infidélités conjugales et l’invitant à se suicider. I have A Dream…

Un maître-chanteur sans limites

Plus rien ne semble pouvoir arrêter celui qui collecte sans relâche des informations sur tout le monde. Y compris ses propres agents. Les secrets qu’il détient sur la sphère politique le protègent et le rendent inamovible. Inquiété un temps par les frères Kennedy qui pensent à le renvoyer, il trouvera vite une solution. Il lui suffira de faire peser la menace d’une révélation sur les liens entre la Mafia et le clan Kennedy ou sur les frasques sexuelles du Président, pour garantir son maintien.  

Lors de l’assassinat de JFK, le directeur du FBI  ne démentira pas, en dépit de tous les renseignements en sa possession, les conclusions pourtant très contestées du rapport de la Commission Warren. Résultat ? Les thèses d’un tireur unique et d’une « balle magique » à la trajectoire invraisemblable seront largement validées.

Bien qu’âgé et diminué, Hoover va poursuivre jusqu’à la fin, son travail dans l’ombre. Il faudra attendre sa mort en 1972 pour que ses méthodes commencent à être dévoilées et contestées par l’opinion publique. Après des funérailles nationales, Nixon fera voter une loi limitant à dix ans l’exercice des directeurs du FBI, afin de limiter l’influence de ses successeurs…

Le rêve d’un pays en fiches

Nourri par les vagues de complotisme, de patriotisme exacerbé et de racisme latent qui ont traversé l’Amérique, Hoover aura totalement incarné la dérive pressentie par Max Weber qui voyait dans le secret, « une forme de domination des bureaucraties sur la société ». Collectionneur compulsif de renseignements, nul doute que la vision d’une population entièrement fichée était le rêve ultime de celui qui avouait sans fard : « Il y a quelque chose d’addictif dans les secrets ».

By La Plume, Dauphine

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