Les cycles de discontinuité artistique de Stromae 

Les cycles de discontinuité artistique de Stromae 

“Qui dit amour dit les gosses, dit toujours et dit divorce”. Stromae gère les contrastes de genres et de paroles dans ses oeuvres. Mais quelle est sa recette? 

Ayant grandi en Belgique, Stromae avoue en interview ne pas bien se souvenir de ses racines rwandaises. Comment l’artiste, sans attaches géographiques particulières, greffe-t-il alors sa musique dans un courant distinct ? Et le fait-il réellement ? 

Paul Van Haver, ou Stromae, essaye dans son dernier album Multitude de ne pas se limiter à une simple source de sonorités. Sorti le 3 mars 2022, ce projet a pour objectif de représenter au maximum la musique folklorique des pays du monde entier. Donc de dépasser les simples racines musicales géographiques. On y retrouve ainsi aussi bien de la cornemuse que du charango (sorte de petite guitare andine, d’Amérique du Sud) ou encore du erhu (instrument à cordes chinois). Utiliser tous ces instruments permet d’obtenir une grande variété de sons et donc en théorie de se rapprocher d’une sorte d’universalité musicale. De plus, cet artiste mélange au sein même de ses morceaux plusieurs influences et instruments, ce qui peut aboutir à un résultat déroutant mais toujours plus large. Un paramètre supplémentaire d’élargissement est à prendre en compte au niveau de l’utilisation des nouvelles technologies dans ses morceaux, comme les effets de voix sur Carmen. Si la nouveauté trouve réellement ses racines dans le passé comme le disait Marcello Fois,  on aperçoit tout de même de l’innovation sans origines géographiques distinctes. 

Au-delà de cette mixité d’instruments, Stromae sait manier une autre forme de composition originale. Ce que certains appellent « sa recette » consiste à superposer des paroles sombres voire désespérées à ses compositions musicales entraînantes. Son premier succès musical mondial, Alors on danse (aujourd’hui cumulant plus de 350 millions de vue) en est le parfait exemple. Il y a une rupture forte entre le rythme de soirées dansantes et les paroles. Ces dernières rappellent les charges mentales du quotidien. Ce décalage fait partie intégrante de son succès planétaire. Il reprend ce schéma dans plusieurs de ses chansons, comme Papaoutai, qui dépasse les 900 millions de vues.

Cette rupture n’est pas la seule dans la proposition artistique de Stromae. Paul Van Haver admet qu’il chante un personnage dans ses compositions. La facette Stromae se caractérise par bien des antithèses. En effet, la séparation ne s’arrête pas entre le rythme et les propos mais touche même le cœur de ses paroles. Stromae utilise l’humour pour évoquer les sujets les plus graves. On peut prendre l’exemple de la chanson Moule frite sur l’album Racine carrée qui parle d’infections sexuellement transmissibles tout en restant dans une métaphore joviale et légère. Selon Stromae, même l’Enfer paru sur Multitude contient des pointes d’humour au sein d’un texte évoquant le suicide. Cette discontinuité est à nouveau présente sur son dernier album. 

Stromae cherche par-dessus tout à casser les codes dans l’imagerie de sa musique et de sa personne, grâce à ses stratégies de communication. Dans une interview donnée au Grand Journal en 2013, Stromae joue à la fois un homme et une femme en couple pour la promotion de son morceau clippé Tous les mêmes. Ce rendu a pu être obtenu à l’issue d’un tournage de près de quatre heures et un long travail de post-production. Le clip promu illustre à nouveau la discontinuité imagée de l’artiste. Stromae investit un temps conséquent pour obtenir des univers de clips toujours très variés. 

La proposition musicale de Paul Van Haver est par tout cela complète. Son identité artistique est enracinée dans un leitmotiv de cassages de codes. Mais cette recherche permanente de l’originalité n’empêche pas une vaste écoute pour un artiste francophone. En plus d’une reconnaissance internationale particulièrement développée. 

By La Plume, Dauphine


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