En roue libre
Michele Scarponi

En roue libre

Quel printemps historique vient de vivre le petit monde du cyclisme ! Et historique, dans tous les sens du terme : au niveau des performances, marquées par les statistiques « merckxiennes » de l’espagnol Alejandro Valverde, ou encore, bien plus tragiquement, pour ce qui est des évènements dont on n’aime pas parler, de ceux qui font mal à aborder, et qu’on a bien du mal à résoudre. La pratique quotidienne de ce sport reste dangereuse, comme l’ont encore montré la mort de Michele Scarponi, ou l’agression de Yoann Offredo, tout cela en moins d’une semaine.

Tour d’horizon.

 

Comment ne pas revenir, tout d’abord, sur l’exceptionnelle saison de l’espagnol Alejandro Valverde ? Depuis le début de l’année, celui-ci a totalisé non moins de onze « bouquets » sur le Tour, soit quatre de plus que son premier poursuivant, l’Allemand Marcel Kittel. En effet, aux deux monuments qu’il s’est adjugé tout récemment, à savoir Liège-Bastogne-Liège et la Flèche Wallonne, il convient d’ajouter ses victoires lors des tours de Murcie, de Catalogne, du Pays Basque, et d’Andalousie. À 37 ans, le coureur originaire de Murcie n’est plus très loin de sa saison référence, celle de 2004, durant laquelle il avait décroché 15 victoires. Pour donner une image plus parlante de l’extrême qualité de la saison qu’est en train de réaliser le vétéran espagnol, un chiffre : 5, comme le nombre de courses sur lesquelles il s’est aligné depuis le début de l’année tout en repartant sans la victoire, sur onze disputées ! Des statistiques hors normes, et un début de saison canon pour ce coureur sur qui le temps ne semble pas avoir d’emprise, surnommé à juste titre par ses compères du peloton « el Imbatible », l’imbattable.

Michele Scarponi, cycliste italien de 37 ans, était professionnel depuis 2002. Le samedi 22 avril, c’est avec son équipe de Astana qu’il prend la route, comme il avait l’habitude de le faire, près de Filottrano, en Italie, à côté de chez lui. Il sera percuté par une camionnette après quelques kilomètres d’entraînement seulement, et décèdera sur le coup. Cet évènement tragique fait écho aux disparitions récentes, en course, de Fabio Casartelli, ou encore Wouter Weylandt, et vient rappeler à tous combien ce métier est particulier, et combien les cyclistes sont vulnérables une fois sur leur vélo, d’autant plus lorsqu’il s’agit d’un entraînement. Néanmoins, la disparition de Scarponi, vainqueur sur tapis vert du Giro d’Italia 2011, est en cela différente des autres citées, et d’autant plus rageante, qu’elle serait due, si l’enquête accrédite la version des policiers, à un refus de priorité de la part de la camionnette au moment de percuter le coureur. La route se partage.

Deux jours plus tard seulement, autre incident concernant un cycliste : l’agression subie par le coureur français Yoann Offredo. Selon la version du coureur, ses deux camarades et lui-même se sont retrouvés confrontés à deux hommes qui ont délibérément tenté de les faire chuter, avant de les agresser avec une batte de baseball et un cutter. Résultat : fractures nasale et costale, et multiples hématomes pour Yoann Offredo, qui utilisa ces mots, au moment de livrer sa version des faits : « J’étais loin aussi d’imaginer qu’exercer mon métier serait parfois au péril de ma vie. […] Je ne suis pas en colère, je suis juste triste de constater que ce beau sport que j’aime, je n’ai pas envie que mes enfants le pratique…trop dangereux. » Saisissant. On soulignera tout de même la version opposée de l’agresseur présumé, selon laquelle l’incident serait parti du respect d’un stop par les automobilistes qui aurait agacé les cyclistes, avant de déclencher une bagarre. Il faudra donc confronter les versions pour savoir où démêler le vrai du faux. Néanmoins, cela reste très révélateur de la tension et de la défiance permanentes entre cyclistes et automobilistes.

Pour paraphraser Yoann Offredo, et résumer le sentiment quasi-général qui anime le peloton, en France ou ailleurs : il est « juste triste de constater, que dans le pays des droits de l’Homme, les droits des cyclistes on les ignore ».

 

L’épreuve physique imposée est spectaculaire, les résultats marqueront l’Histoire à jamais, le public ébahi est toujours plus nombreux, mais qu’en est-il de la sécurité de ces athlètes, toujours extrêmement exposés ? Il me semble que le temps est venu pour les institutions du cyclisme international, de s’atteler à cette question, et de tenter de trouver des réponses cohérentes, efficaces, et rapides à mettre en place, de sorte à ce que la mort de Scarponi, ou l’agression de Offredo, ne restent pas monnaie courante. Ces évènements appellent à des réponses fermes, parce que la sécurité est le minimum que peuvent légitimement réclamer ces athlètes, à l’heure où la tendance générale est à une meilleure protection des athlètes dans le monde sportif.

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