Caster Semenya, athlète sud-africaine de 25 ans spécialiste du 800 mètres, a décroché l’or sur son épreuve de prédilection le 20 août dernier lors des Jeux Olympiques de Rio. Cette victoire vient s’ajouter à d’autres résultats assez impressionnants : championne du monde du 800 mètres en 2009, médaillée d’argent aux JO de Londres en 2012 et championne d’Afrique sur trois épreuves en 2016 (800, 1500 et 4 x 400 mètres). Pourtant, les performances de la sportive sont entachées par le battage médiatique autour de faits relevant de son intimité.
Au départ, une anomalie génétique
Mondiaux de Berlin, 2009 : Caster Semenya, alors âgée de 18 ans, se fait connaître du grand public en écrasant très largement ses adversaires lors de la finale du 800 m féminin. L’apparence masculine de l’athlète et cet exploit « un peu trop louche » incitent l’IAAF (la fédération internationale d’athlétisme) à faire passer un test de féminité à l’athlète. Celui-ci révèle une intersexuation, c’est-à-dire l’impossibilité de lui attribuer catégoriquement le sexe mâle ou femelle, et une hyperandrogénie, synonyme d’un taux anormalement important de testostérone, hormone masculine, dans son sang.
En 2011, les experts de l’IAAF, attribuant cette performance à la dose d’hormone décelé, décident de le règlementer. Il est alors convenu que le taux de testostérone des athlètes hyper-androgènes ne devra pas être supérieur à 10 nanomoles par litre de sang. Si l‘une d’entre elles voit ce nombre supérieur à la « normale », elle sera dans l’obligation de faire un choix entre subir une intervention chirurgicale et/ou un traitement hormonal et renoncer aux compétitions internationales. Ce seuil imposé paraît pourtant assez arbitraire. Richard Holt, professeur en médecine, a même réussi à montrer que certains athlètes masculins ne le dépassent pas. Cette règle sur le taux d’hormones masculines a ainsi été suspendue en 2015 par le TAS (Tribunal Arbitral du Sport), dans l’attente de plus amples preuves scientifiques sur le rôle de la testostérone dans la performance. La mise en avant médiatique de l’hyperandrogénie a cependant fait des dommages dans la vie de plusieurs sportives.
Une surmédiatisation
En règlementant le taux de testostérone des athlètes atteintes d’hyperandrogénie, l’IAAF a insisté sur l’anonymat des femmes dont il était question et de leur décision de subir ou non un traitement. Déclaration bien hypocrite quand on sait que c’est le porte-parole de l’IAAF en personne, Nick Davies, qui a révélé aux journaux l’hyperandrogénie de Caster Semenya. Par ailleurs, en avril 2013, Charles Sultan, endocrinologue, a souhaité communiquer, dans le cadre d’une étude scientifique, le cas de quatre sportives hyper-androgènes qui ont été opérées. Si les dates de naissance, noms et nationalités des athlètes n’ont pas été révélés, des recoupements ont pu être faits grâce aux poids, tailles et âges de diagnostic. On a fait mieux en matière de confidentialité.
Plus globalement, les athlètes ne répondant pas aux canons standards de la féminité et réalisant de bonnes performances paraissent immédiatement suspectes. On notera la déclaration d’Elisa Cusma aux mondiaux de 2009 à propos de Caster Semenya : « Pour moi, ce n’est pas une femme ». De même, les noms de Francine Niyonsaba et Margaret Wambui, respectivement médaillées d’argent et de bronze sur 800 mètres à Rio, reviennent régulièrement sur le tapis. À la fin de l’épreuve, le Britannique Nigel Levine aurait félicité une de ses compatriotes, alors arrivée 6ème de la finale à Rio, via un tweet – depuis supprimé – pour le moins provocateur : « Très heureux pour Lynsey Sharp, arrivée 3e du 800 m dames ».
Vers une acceptation sociétale ?
Des scientifiques tels que Katrina Karkazis dénoncent des « pseudos-preuves » dont le but premier est surtout d’appuyer la volonté de réglementation. Pour elle, la démarche mise en œuvre pour prouver le rôle du taux de testostérone dans la vitesse de course n’a rien de scientifique et est simplement discriminatoire.
Bien que l’évolution s’effectue lentement, le monde du sport commence à changer sa façon de voir les choses. Madeleine Pape, impliquée dans la défense des athlètes atteintes d’hyperandrogénie, a ainsi déclaré : « Soit vous acceptez ces personnes, soit non. Je les accepte en tant que femmes et elles ont donc le droit de courir en tant que femmes sans conditions. »
Si ces changements sont encourageants, l’IAAF n’a pas totalement renoncé à ses réglementations, se déclarant surpris de la décision du TAS. Le débat reste ouvert.
Jannie
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