Carnet de voyage – TAHITI – Le Heiva i Tahiti, vitrine de la culture polynésienne

Carnet de voyage – TAHITI – Le Heiva i Tahiti, vitrine de la culture polynésienne

Alors que le mois de juillet rime avec « vacances » pour beaucoup d’entre nous, il résonne autrement aux oreilles de nombreux habitants de Polynésie. En effet, juillet marque le lancement d’un événement important pour la population locale, le Heiva i Tahiti. Principalement connu pour sa compétition de danse traditionnelle, le Heiva est l’occasion de mettre à l’honneur toute la culture polynésienne, y compris les sports anciens et l’artisanat local. La Plume vous propose une immersion pour découvrir l’histoire, les temps forts et les caractéristiques de ce festival qui ne cesse d’éblouir touristes comme résidents…

Le Heiva, une histoire plus politique que l’on ne pense …

Le fait que le Heiva se tienne au mois de juillet n’est certainement pas un hasard du calendrier. En 1881, malgré plusieurs milliers de kilomètres de distance, les polynésiens deviennent des citoyens à part entière de la France. Qui dit France, dit fête nationale et donc 14 juillet. En bons citoyens, il était de leur devoir de célébrer comme n’importe quel français la prise de la Bastille. Cependant, du fait de leur attachement à leur propre culture, les polynésiens ont apporté un peu de couleur à ce défilé militaire. C’est ainsi que les courses de pirogue, les concours de danse et de chant sont devenus le grand événement que l’on nomme aujourd’hui Heiva.

Jusqu’en 1985, un an après l’accession de la Polynésie au statut d’autonomie interne, il s’agissait de la fête du Tiurai, tahitianisation du mot « juillet ». Hautement symbolique, la fête du Tiurai donnait l’occasion aux polynésiens d’exprimer leur allégeance à la France mais aussi leur différence culturelle. C’est en cela que le Heiva marque un point de rupture, car cet événement n’est aujourd’hui que l’expression d’une identité polynésienne pleinement épanouie, qui se passe de pensée politique. La dénomination Heiva est d’ailleurs un parfait exemple de ce recentrage culturel. En effet, Heiva était le nom de troupe de Madeleine Moua, importante figure de la culture tahitienne.

La marche sur le feu, ou cérémonie du umu ti

La cérémonie du umu ti ouvre les festivités du Heiva avec toute l’authenticité et l’intensité dont sont capables les habitants de Polynésie. Jadis, cette cérémonie avait deux fonctions. La première était de se prémunir face à la disette en faisant cuire dans un grand four des racines de tubercules, qui se conservent plusieurs mois. Elle servait ensuite à vérifier le pouvoir des prêtres : s’ils parvenaient à marcher sur les pierres dont la température peut atteindre 2 000 degrés, alors cela signifiait que les dieux et le mana étaient toujours avec eux.

Remis au goût du jour par le sorcier Raymond Graffe en 1983, la marche sur le feu est conçue comme une expérience culturelle, spirituelle et physique. Depuis plus de 60 ans maintenant, cette cérémonie du umu ti précède le Heiva et attire de nombreux touristes ou résidents désireux de renouer avec les traditions ancestrales.

La préparation de la marche sur le feu nécessite plusieurs mois d’efforts afin de réunir tous les éléments indispensables. La fosse du four, d’environ 8,50 m de large, est remplie de bois de Casuarina equisetifolia, qui a la particularité de dégager une grande chaleur et de se consumer très lentement. D’autres éléments importants de cette fosse sont les pierres volcaniques, qui viennent recouvrir les braises incandescentes. Le jour convenu, le four est allumé tôt le matin, pour que les pierres soient à bonne température à 18h00, heure de la cérémonie.

La pratique du ‘ori tahiti, au cœur du Heiva  

Les spectacles de danse représentent le moment phare des festivités du Heiva. Durant tout le mois de juillet, quotidiennement, se tiennent les prestations de ‘ori tahiti et de chants traditionnels. Cette compétition est l’occasion pour les passionné(e)s de danse traditionnelle de venir présenter leur travail devant un jury constitué de professionnels du milieu. Il existe deux catégories pour concourir. La première : amateur ou Hura Ava Tau, pour les troupes qui participent pour la première fois au Heiva. Ceux qui ne gagnent pas la première place dans cette catégorie restent dans celle-ci. La deuxième, Hura Tau, qui regroupe toutes les troupes dites professionnelles.

Bien qu’étant d’abord et avant tout un projet artistique, les prestations se doivent de respecter certains critères. Tout d’abord, la troupe doit être composée de 60 à 200 danseurs, afin de présenter un spectacle de 50 minutes. Chaque chef de troupe propose un thème pour sa prestation, ce thème étant basé sur l’histoire d’un personnage historique, une légende, le district de la troupe… C’est pour cela que la préparation du spectacle prend de nombreux mois. Un gros travail est effectué pour trouver le thème et pour rechercher des sources et des références historiques dans le but d’être crédible. Il faut rencontrer les gens, échanger avec eux… Vient ensuite l’écriture, en tahitien évidemment, du texte que récitera l’orateur afin de raconter au public l’histoire choisie.

Afin de participer au Heiva, certains types de danse sont obligatoires. Le pā’ō’ā doit se faire assis, en cercle ou en demi-cercle. Il s’agit de retranscrire des scènes de la vie quotidienne.  Il faut également qu’il y ait des couples qui dansent à l’intérieur du cercle. Le hivināu doit être dansé en cercle par les danseurs, et s’effectue debout. Ces deux danses sont principalement connues pour montrer l’accouplement, la sensualité, … Bien évidemment, le fameux ‘ōte’a, danse rythmée par des percussions, est également exigée. Sans oublier le ‘aparima, danse plus lente et plus gracieuse, qui consiste à mimer le texte pour le faire comprendre au public.

Enfin, le groupe doit obligatoirement avoir un grand costume à base de more (écorce interne de l’Hibiscus tiliaceus) un costume végétal et un costume en tissu. Le chef de troupe peut également présenter des prestations afin de participer à des concours facultatifs tels que celui de meilleurs danseurs et meilleures danseuses et celui d’orchestre (de patrimoine et de création).

En plus d’être un événement culturel incontournable, le Heiva est un facteur de cohésion sociale. En effet, les répétitions fédèrent les quartiers populaires, dont sont issus de nombreux danseurs et danseuses.

Aussi, avant que débute la véritable compétition, le Heiva des écoles est organisé afin de permettre à de plus jeunes danseurs de présenter leur spectacle. C’est également un événement qui rayonne à l’international, comme en témoigne les nombreuses compétitions qui sont organisées à l’étranger : Heiva i Paris, Heiva i Tokyo, le Heiva international …

Pour avoir un aperçu de ce qu’est le ‘ori tahiti, ces liens sont faits pour vous :

Si exercer la danse tahitienne vous tente, de nombreuses écoles sont ouvertes à Paris J

Le sport et l’artisanat local également mis à l’honneur

Le Heiva ne concerne pas que la danse, mais bien l’ensemble des pratiques sportives traditionnelles. Des compétitions de lever de pierre, lancer de javelot, grimper de cocotiers, courses de porteurs de fruits sont également organisées, sans oublier les régates de va’a, pirogue traditionnelle. La mention de ces sports peut certes faire sourire, mais il ne faut pas s’y méprendre. Une grande force et agilité est exigée afin de performer et ne pas se blesser.

La course de porteurs de fruits est l’une des épreuves les plus prisées. Les coureurs doivent parcourir entre 800 et 1500 m, tout en portant des charges de fruits, légumes et féculents de plusieurs dizaines de kilos. Les participants doivent constituer et attacher eux-mêmes leurs charges aux extrémités de leur tronc. Il est alors primordial de bien les attacher afin qu’elles tiennent sur toute la durée de la course, et de faire de jolies charges car un prix est attribué pour l’esthétique de la charge.  Les compétiteurs, homme et femme, concourent en tenue traditionnelle, généralement en pareo.

Le lancer de javelot témoigne également de l’adresse des polynésiens. Le but de ce sport est d’atteindre une cible, généralement une noix de coco à 7,5 m de hauteur, à une distance de 22 m avec un ou plusieurs javelots en un temps imparti. La cible est découpée en plusieurs zones, chacune rapportant plus ou moins de points.

Le Heiva Tu’aro (Tu’aro pour sport en Tahitien) est l’occasion de valoriser ces disciplines qui, même si elles font partie intégrante du patrimoine culturel de la Polynésie, ont de la difficulté à trouver un public fidèle digne de ce nom.

L’artisanat local a aussi sa part de gloire dans le Heiva Rima’i. En effet, un grand espace d’exposition est dédié chaque année à plus de 100 exposants venus des 5 archipels de la Polynésie. Démonstrations, concours, ventes, ateliers de fabrication sont au rendez-vous pour promouvoir la richesse de l’artisanat local. Il faut savoir que chacun des 5 archipels est spécialisé dans un art en particulier. Par exemple, les Marquisiens savent manier le couteau pour créer de jolies sculptures en bois. Les îles des Tuamotu sont davantage réputées pour la culture de la perle, alors que les habitants des Australes sont doués pour le tressage de pandanus.  Le Heiva permet donc la transmission d’un héritage culturel ancestral ainsi que la préservation d’un savoir-faire unique. L’artisanat polynésien est un art riche et créatif, qui capte le regard et qui vaut, à lui seul, le voyage vers ces contrées perdues que sont Tahiti et ses îles.

WONG Cindy

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