«My auctioneer is rich» : marché de l’art ou art du marché ? art 4

Splendeurs et misères du marché de l’art

 

Rappelez vous en 2007, en dépit des turbulences des marchés financiers, celui de l’art affiche une hausse générale des prix pour la 7e année consécutive. Les records pleuvent : Hanging Heart de Jeff Koons à 21 millions de dollars, une première pour un artiste vivant puis l’achat par Roman Abramovitch du Tryptique de Francis Bacon devenant à l’époque l’œuvre la plus chère au monde (86,7 millions de dollars). A 1254 reprises le marteau est tombé au-delà de la barre du million, mais les professionnels ne se réjouissent qu’en demi teinte et craignent l’éclatement imminent de la bulle spéculative. Effectivement, en 2008 le marasme économique rattrape ce marché à la santé insolente. Taux d’invendus en expansion, adjudications inférieures aux estimations, même les artistes phares ne résistent pas à cette dégringolade !

Florence de Botton, directrice internationale du département d’art contemporain de Christie’s, explique ainsi ce très violent revirement de situation : » (le marché) a subi le contrecoup de la crise financière. Certains collectionneurs qui ont perdu beaucoup d’argent dans ces récentes péripéties ne sont pas venus à nos ventes. D’autres, frileux, ont préféré attendre des jours meilleurs. Les prix sont retombés au niveau d’il y a quatre ou cinq ans». En démarrant l’année 2012 sur les chapeaux de roues après une fin d’année 2011 en grande forme également, il se pourrait que le marché de l’Art, redevenu le terrain de jeu favori de l’effervescence spéculative fasse cap sur ce destin menaçant. L’enjeu est grandissant, le gain toujours plus alléchant mais la perte potentiellement fatale.

Tryptique de Francis Bacon

 

Faut-il s’inquiéter pour l’année 2012 ?

Pour faciliter la prospective statistique désormais indispensable face à de pareilles mises, l’Agence de cotation Artprice a développé un indice de confiance en temps réel l’AMCI (Art Market Confidence Index). Construit sur des fondements théoriques identiques à ceux utilisés pour le calcul du très réputé Michigan Consumer Sentiment Index (Indice de confiance des ménages), l’AMCI donne le pouls du marché de l’Art. En 2011, la confiance des acquéreurs a été relancée en fin d’année par les résultats extrêmement encourageants des salons d’art contemporain FRIEZE (Londres) et FIAC (Paris) qui ont fait office d’électrochoc pour un marché jusque là en berne. Selon le rapport « Artprice : Market Trends 2011 », les chiffres annoncent pour 2012 la stabilisation de l’AMCI à un niveau très satisfaisant. Les prévisions statistiques de court terme sont bonnes et les ventes du premier trimestre ont annoncé la couleur pour le reste de l’année en faisant un tabac ! Le point d’éclatement de la bulle de l’Art semble loin et les acteurs du marché relativement sereins profitent de l’instant, enorgueillis par le succès.

 

Investir sur le marché de l’Art : un coup de poker ?

Si les travaux des économètres laissent entendre que le jeu en vaut la chandelle, c’est à en oublier l’essence première de ces « actifs ». Aimer l’Art et encourager les dynamiques du marché ne sont pas incompatibles, loin s’en faut ! Mais l’angoisse de voir se dénaturer les oeuvres dans l’esprit de spéculateurs (heureusement minoritaires) peu scrupuleux du travail de l’artiste est grande. Petter Olsen qui se targue de vouloir faire de la « publicité autour de Munch » pense-t-il vraiment qu’alors que la tourmente économique s’étend jusqu’aux finances d’État, le public retiendra davantage le génie de l’artiste que le montant indécent de la transaction?

A l’heure où les ventes s’enflamment à un rythme tel que 4 mois suffiraient pour rembourser la dette de la France (à l’aune de l’enchère Munch : 166 556$/sec), on ne s’étonne plus de l’impopularité chronique du marché de l’Art jugé odieux par la société. De même paraît légitime l’irritation des ingénieurs financiers qui réclament une instance de régulation du marché de l’art sur le modèle de l’AMF (Autorité des Marchés Financiers). En effet sur le marché de l’art de «gros» acheteurs peuvent encore peser sur la cotation d’un artiste en monopolisant l’achat de celui ci, rendant rare toute pièce dans les maisons de ventes… à l’instar du collectionneur de Munch qui souhaitait revaloriser l‘«intérêt», peu être plus économique qu’artistique, pour l’artiste. L’amour de l’art à tout prix ou l’art du marché à n’importe quel prix? 

Léopoldine Metzger & Céline Poizat

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